Cycles de vie

Donner des outils aux décideurs pour faire des choix responsables

Source : Le Jeudi
Publication date : 09/21/2017

Quel impact la construction d'un quartier peut-elle avoir sur la pollinisation au niveau local ou bien encore sur qualité de l'air? Et que se passe-t-il au Luxembourg si un tiers des frontaliers français optent pour des voitures moins polluantes? Et comment, surtout, peut-on quantifier de manière fiable les conséquences de ces actions? Au Luxembourg Institute of Science and Technology (List), au sein de l'unité Life Cycle Sustainability and Risk Assessment, les chercheurs s'intéressent à ces problèmes et essaient d'intégrer leurs résultats dans l'analyse du cycle de vie (ACV).

Cette méthodologie est aujourd'hui essentiellement appliquée aux chaînes de production. Elle permet d'analyser l'impact environnemental d'un produit précis grâce à l'évaluation détaillée de chaque étape qui mène finalement à un bien ou à un service. De l'extraction des matières premières jusqu'au moment où ce même bien est recyclé en passant bien sûr par l'utilisation du bien final.

Jusque-là, rien de bien nouveau. L'industrie a fait sien cet outil et l'économie circulaire aussi. Mais au List, deux projets novateurs, financés par le Fonds national de la recherche (FNR), vont plus loin. Le premier, «Values», a comme objectif l'élaboration d'un indice permettant de quantifier les services écosystémiques. « L'environnement fournit des services. Les plantes captent le CO 2 , les abeilles assurent la pollinisation et ainsi de suite» , explique le docteur Benedetto Rugani, en charge du projet. «Ces services sont en revanche difficilement quantifiables et leur intégration au sein d'une ACV s'avère compliquée. »

Car l'analyse du cycle de vie nécessite avant tout une quantité énorme d'informations fiables. Benedetto Rugani et le doctorant Benoît Othoniel ont commencé à s'attaquer à ce problème dès 2014 dans l'objectif d'intégrer les données issues de leur recherche sur les services écosystémiques dans l'ACV.

Et les résultats peuvent sembler étonnants: la construction d'un immeuble pourrait par exemple diminuer l'activité des abeilles de telle manière que le champ d'un agriculteur perd de son rendement. Ce qui permet de calculer l'impact financier: « Nous nous basons sur les comptes des cultivateurs pour connaître l'impact d'une activité pollinisatrice moindre », précise encore Benedetto Rugani.

Le projet «Values» est déjà bien avancé, les chercheurs essaient de trouver des partenariats publics et privés afin de tester leur logiciel de calcul dans une situation réelle. De plus, les chercheurs veulent mettre en place des cartes interactives. « Je pense que d'ici 2020 ou 2022, les outils que nous concevons seront prêts pour le marché. » Les principales cibles sont les décideurs du public et du privé qui pourront se servir de cette recherche afin d'agir de manière durable.

Le deuxième projet, «Connecting», essaie d'élargir l'horizon de l'analyse des cycles de vie vers les problèmes liés au trafic et aux politiques de mobilité. Le docteur Tomas Navarrete, qui travaille sous le direction du docteur Enrico Benetto, se sert de données en provenance du Liser (Luxembourg Institute of Socio-economic Research) sur la manière dont les frontaliers français utilisent leur voiture. A partir de ces données, il propose différents scénarios sur la politique de mobilité des deux pays tout en tenant compte de l'évolution démographique. « Il s'agit de comprendre ce qu'il se passe lorsque, par exemple, les frontaliers français sont incités par la politique gouvernementale à opter pour des voitures moins polluante s», explique Tomas Navarrete. Mais ce scénario n'en est qu'un parmi d'autres. Que se passe-t-il à politique inchangé ou si les deux pays, tout à coup se découvrent une conscience écologique aiguë? Autant de questions auxquelles Tomas Navarrete tente de répondre en recueillant, comme toujours lorsqu'il s'agit d'ACV, un maximum de données. Car au-delà de l'utilisation de la voiture, il y a le transport public, il y a également les enjeux écologiques liés à la production de batteries pour voiture électrique. Au bout du compte, il s'agit de trouver le compromis le plus durable en tenant compte de tous les facteurs et de leurs différents impacts sur l'environnement. L'objectif d'une telle recherche saute aux yeux, surtout dans un pays comme le Luxembourg, qui tend à crouler sous le trafic, en particulier aux heures de pointe.

MAURICE MAGAR

 

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