Décrochés, mais pas largués

Le projet Re-Engage innove contre le décrochage scolaire

Source : Le Jeudi
Publication date : 06/08/2017

 

Dans leur combat contre l'abandon prématuré des études, les établissements scolaires disposent désormais de méthodes innovantes développées dans le cadre de ce projet estampillé Erasmus+

En février 2017, le ministère de l'Education nationale publiait ses rapports sur le décrochage scolaire durant les années 2013-14 et 2014-15. Avec près d'un millier de décrocheurs par exercice, la part des échecs restait conforme à l'objectif d'un maintien sous la barre des 10% que lui a assigné la Commission européenne dans le cadre de la stratégie 2020.

Elle mettait toutefois en évidence un rebond de 6,1% à 9,3% d'une année sur l'autre qui rappelait l'actualité de la lutte au Luxembourg contre ce phénomène «synonyme de remplir les exigences sociales fondamentales» et aux «énormes conséquences sur le plan économique».

De nombreux projets sont conduits pour prendre à bras-le-corps cette problématique désormais bien connue.

Parmi ceux-ci, le projet Re-engage, conduit sous la houlette du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), dans le cadre du programme Erasmus+ depuis septembre 2015, s'inspire des meilleures pratiques des établissements participants pour proposer un modèle à suivre.

Ce modèle repose sur la mise en œuvre de trois méthodes pédagogiques auprès de la catégorie cible des 11-14 ans, pour aider les élèves décrochés ou ceux qui présentent une forte tendance à décrocher. Du côté luxembourgeois de ce projet européen, c'est l'école privée Marie-Consolatrice d'Esch-sur-Alzette, qui a participé à cette mise en œuvre de bonnes pratiques, qui devait impliquer au moins 30% des enseignants d'un même lycée.

Dans cette lutte contre le décrochage, il s'agit notamment de rompre avec la prépondérance de cours reposant sur l'intelligence verbo-linguistique, par laquelle l'école « n'est plus vraiment adaptée à la société moderne », soulignait le 1 er juin Hélène Mayer, psychologue du LIST et coordinatrice du projet, à l'heure de faire part de l'avancement du projet.

Ainsi, Re-Engage propose-t-il, en guise de remède pédagogique, de prendre en compte les «intelligences multiples». Suivant en cela l'exemple belge de l'action pédagogique menée par l'institut Sainte-Marie de Châtelineau, le corps professoral est invité à considérer la pluralité des types d'intelligence, dont sont dotés tous les élèves, à des niveaux variables, et qu'un questionnaire permet d'identifier.

Il ne s'agit pas de substituer une pédagogie qui serait la meilleure à une autre, mais plutôt de remettre de la diversité dans un système d'éducation traditionnel arc-bouté sur les intelligences linguistiques et logico-mathématiques. Les décrocheurs, en exerçant d'autres intelligences, qu'elles soient spatiale, interpersonnelle, corporelle ou encore musicale, peuvent se réconcilier avec eux-mêmes, avec leurs capacités par un regain d'estime de soi et, de ce fait, retrouver le goût de reprendre le chemin de l'école.

Cette méthode de prise en compte des capacités peut être mixée avec la seconde approche pédagogique qui figure dans le projet, à savoir la pédagogie collaborative («cooperative learning» dans le texte), qui parie sur la capacité de l'élève à participer à l'élaboration de ses compétences en groupes composés en fonction des compétences.

De même, cette approche collaborative s'adapte parfaitement à la troisième méthode pédagogique proposée aux écoles participantes, à savoir l'usage des interfaces tangibles sur table. C'est en la matière que le LIST apporte son savoir-faire et son expertise. Ces interfaces tangibles proposent aux élèves d'interagir avec un système numérique au moyen d'objets physiques dans le but de résoudre les problèmes posés par leurs professeurs en manipulant des objets physiques.

Le LIST accompagne les professeurs dans la mise en place de scénarios d'apprentissages collaboratifs grâce à des sessions de formation, une plateforme technologique et un guide d'utilisation, afin de les aider à transformer leurs leçons traditionnelles en cours interactifs.

Rompre avec la tradition est sans aucun doute le principal défi. « La difficulté principale réside dans la gestion du changement », fait en effet remarquer Hélène Mayer.

Les professeurs autant que les élèves sont visés. Chacun doit accepter la remise en cause de ses méthodes. C'est dans l'intérêt de tous.

Jérôme Quiqueret

 

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