Des relations sans frontières

Coopérer afin de créer de nouvelles opportunités est le leitmotiv de la visite d'Etat de trois jours du Grand-Duc au Japon, qui s'est achevée ce mercredi 29 novembre. S'il était bien sûr question de célébrer les quatre-vingt-dix ans de relations diplomatiques entre les deux pays et de souder l'amitié qui lie les deux familles régnantes, l'enjeu était essentiellement économique et spatial. Le projet d'exploitation des ressources minières d'Etienne Schneider prend en effet tout son sens au pays du Soleil levant, pionnier en la matière.

Source : Le Jeudi
Publication date : 11/30/2017

 

La précédente visite d'un chef d'Etat luxembourgeois remonte à avril 1999. Le Grand-Duc Jean et la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte avaient à l'époque été reçus par l'empereur Akihito et l'impératrice Michiko. Ce sont les mêmes qui ont accueilli le Grand-Duc Henri qui était exceptionnellement accompagné de sa fille, la princesse Alexandra, la Grande-Duchesse ayant décliné l'invitation à cause de sa phobie de l'avion. Au-delà du protocole réglé au millimètre et de la ferveur envers l'empereur que les Japonais ont pu montrer lors des déplacements publics, l'économie était bel et bien au centre de ce voyage. Trois ministres, dont le vice-Premier, Etienne Schneider, Jean Asselborn pour les Affaires étrangères et Pierre Gramegna pour les Finances, et la forte délégation économique de la Chambre de commerce en ont fourni la preuve.

Il faut dire que les enjeux sont de taille puisque le Japon est le premier partenaire commercial du Luxembourg en Asie, avec 463,6  millions d'euros de biens échangés en 2016, soit quelque 200 millions supplémentaires par rapport à 2015 (261,8 millions). Et l'année en cours s'annonce tout aussi riche puisque la tendance à la croissance semble se confirmer avec des importations qui s'élevaient à 329,7  millions d'euros en août 2017. Les biens en provenance du Japon représentent plus de 85% des échanges. En revanche, les exportations luxembourgeoises à destination du pays du Soleil levant (en légère hausse en 2016 avec 68,9 millions contre 65,5 millions en 2015) n'affichent que peu de croissance depuis une décennie.

Ce déséquilibre est toutefois largement compensé par les services. La balance penche cette fois en faveur du Luxembourg, le solde excédentaire étant de 532 millions pour un volume échangé de 1,08 milliard d'euros en 2016. Les services financiers en représentent la majorité avec 75% des échanges.

Logistique, communication (ICT), production audiovisuelle ou équipement automobile ont été l'objet de discussions intensives entre les représentants des deux pays. Les deux chambres de commerce nationales ont d'ailleurs signé un mémorandum d'entente afin de faciliter l'échange d'informations.

Un séminaire et un workshop ont permis de présenter le pays aux professionnels du tourisme. Le Japon est un des marchés lointains prioritaires avec la Chine et les Etats-Unis. La croissance de cette clientèle (+6% par an entre 2012 et 2016) est à ce titre encourageante. L'initiative la plus marquante reste cependant l'ouverture d'un «Luxembourg café» éphémère dans un des quartiers fréquentés de Tokyo. « Après quatre-vingt-dix ans d'amitié, il était temps que le premier café ayant pour thème le Luxembourg ouvre au Japon », a déclaré Etienne Schneider lors de l'inauguration à la sobriété très tokyoïte. Durant trois semaines, le café présentera le Luxembourg et ses spécialités ainsi que des photos du Grand-Duché signées par Takeshita Yasui. Différentes manifestations y seront organisées afin d'attirer des «faiseurs d'opinion» et autres blogueurs. La bonne couverture de son ouverture par les médias permet à Etienne Schneider d'être optimiste. L'ensemble de la visite a « reçu une immense visibilité ».

« Il y a un gros potentiel », a poursuivi le ministre de l'Economie. Une manière de dire que quels que soient les accords, ils se développent sur le long terme. Il en est ainsi de Cargolux, qui atterrira désormais à Narita. Luxembourg et Tokyo seront enfin en liaison directe. Autre succès à mettre à l'actif de cette visite: la venue d'une grosse société dont « le nom sera dévoilé dans quelques semaines seulement parce qu'elle est cotée en Bourse ».

Pierre Gramegna a de son côté défendu la Place financière et répondu aux inquiétudes japonaises envers l'Europe, et notamment le Brexit. Trois compagnies d'assurances ont déjà quitté Londres pour Luxembourg. « Une importante banque japonaise veut renforcer sa présence au Luxembourg », a ainsi annoncé Pierre Gramegna sans toutefois vouloir révéler son nom. Après la venue de Tokio Marine en septembre, voilà un nouveau succès qui devrait en appeler d'autres. L'importance de la Place et son savoir-faire sont autant d'atouts que le ministre ne manque pas de faire valoir. Il mise aussi sur la finance verte – le Luxembourg est leader en matière d'obligations vertes – et sur la technologie financière (fintech) pour développer de nouveaux investissements.

La confiance des entrepreneurs se gagne aussi grâce à la vitalité de l'Europe. Cette dernière est essentielle pour l'économie luxembourgeoise qui se présente volontiers comme une porte d'entrée sur un marché de quelque 500 millions de consommateurs. Si des événements comme le Brexit ont pu refroidir l'intérêt des investisseurs, le retour de la croissance (+2%) et une zone euro qui redresse la tête sont des cartes que Gramegna utilise volontiers.

Il compte également sur l'accord de partenariat économique entre le Japon et l'UE qui, même s'il divise les opinions publiques européennes, pourrait être approuvé par le Parlement européen d'ici 2019. « C'est une très bonne nouvelle pour le commerce et pour le monde », a-t-il déclaré.

Le cœur de cette visite reste l'exploration et l'exploitation des ressources spatiales. Etienne Schneider a trouvé au Japon des oreilles plus que compréhensives.

Fort du soutien du Grand-Duc et de l'empereur, qui ont intégré à leur programme la visite du centre spatial de Tsukuba de la Jaxa, l'agence d'exploration aérospatiale japonaise, et l'ouverture par le Grand-Duc d'une conférence sur les nouvelles opportunités et les challenges de l'espace, il voit son dossier avancer. « Il est très clair que technologiquement, c'est possible. » D'autant plus que la coopération devrait se développer au plus haut niveau, à l'image du mémorandum d'entente signé par le LIST et Ispace, une société fondée en 2013 dans le but d'exploiter la glace présente sur la Lune et les ressources de l'espace telles que l'eau de la Lune.

Le Japon est pionnier en la matière. Le programme Hayabusa a déjà permis à une sonde de ramener des quantités infimes de matériaux de l'astéroïde Itokawa en orbite entre Mars et la Terre.

Pour l'astronaute Kiichi Wakata, directeur de programme de l'ISS, parti plusieurs fois en mission spatiale, tout comme pour le Professeur Hiroshima Kuninaka de l'Institut des sciences de l'espace, le principal obstacle est la rentabilité. A Jaxa, la recherche vise notamment à réduire le coût des lanceurs. Un premier pas qui, au même titre que le succès de SES et de ses satellites auquel peu de gens croyaient lors de son lancement, met du baume au cœur d'Etienne Schneider.

Jacques Hillion

 

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