La fusion des cerveaux

Les CRP Henri Tudor et Gabriel Lippmann, unis vers l´Uni, font un pas en avant. Leur regroupement se veut prélude à un grand pôle de recherche et d´innovation, lié au destin du pays.

Source : PaperJam
Publication date : 05/01/2012

 

Ont-ils surpris? Pas ceux qui suivaient les réunions depuis des mois. Peut-être davantage dans leur cousinage institutionnel, voire au sein de leur personnel... En tout cas, les CRP (centres de recherche publics) Gabriel Lippmann et Henri Tudor on fait une sorte de coming out, pour annoncer leur regroupement - décidé par chacun des conseils d'administration, le  10 avril dernier - , prélude à une fusion des quatre centres publics.

Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, François Biltgen, est occupé à dessiner les contours d'un nouveau paysage académique de la recherche. « La première époque a marqué ces 25 dernières années », résume Marc Lemmer, directeur général du CRP Tudor. Les lois régissant les centres publics remontent en effet à 1987. « L’idée actuelle est une refonte de la base légale, en allant plus loin que le toilettage du texte. Il est important pour tout le monde de recréer un contexte et de redonner une cohérence à l’ensemble, de donner une lisibilité nouvelle à notre recherche, pour tous les acteurs du pays mais aussi à l’international », souligne Fernand Reinig, qui dirige lui le CRP Lippmann. Ainsi, la nouvelle loi sur l’Université est dans un processus avancé. Celle sur le FNR (fonds national de la recherche) aussi. Le nouveau texte sur les CRP (qui incluent Lippmann, Tudor, mais aussi le CRP-Santé et le Ceps/Instead) est en cours. Et « les quatre institutions ont collaboré à sa rédaction », insiste-t-on tant au ministère que dans les centres concernés.

Clairement, Tudor et Lippmann ont pris les devants. « Nous avons fait un pas en avant. Les deux autres institutions sont invitées à rejoindre le mouvement à terme », disent les directeurs généraux. La fusion des deux premiers CRP se dessine, selon la logique du RTO (Research & Technology Organisation), une terminologie européenne pour un concept d’activités de recherche et innovation complémentaires aux universités, comme cela se pratique déjà en Allemagne, en Suisse ou en Belgique...

Stratégies synchronisées

La nouvelle entité de recherche adopte la vision 2020 par paliers. Le contrat de performance liant les centres à l’Etat court jusqu’en 2013. Le regroupement pourrait donc être effectif dès 2014, lorsque l’Université de Luxembourg attaquera aussi son plan pluriannuel. « Nous pourrons alors être synchronisés et avancer de concert », souligne Fernand Reinig. Cela se discute régulièrement au sein du 4CU, l’organe de concertation entre les centres et l’Uni.

Si le choix d'un nom, à la fois commun et propre, relève encore de la pure anecdote, la fusion « physique », à Belval, est bien évoquée, sans doute pour 2016. L'agenda du ministre Biltgen a d'abord prévu un texte soumis à la Chambre pour cet été, en vue d'un vote un an plus tard. De quoi être opérationnel pour le 1er janvier 2014.

Faut-il redouter les doublons? Selon MM. Lemmer et Reinig, la fusion donnera au contraire une meilleure masse critique - 600 personnes, 350 de Tudor et 250 de Lippmann -, qui pourra enclencher un cercle vertueux. « Nous mettons en place des synergies pour nous focaliser sur des priorités stratégiques, en phase avec la politique de diversification économique et de développement de la société de la connaissance. Les équipes ne pourront que gagner en importance, surtout si la dynamique permet d’ouvrir de nouveaux champs, notamment via le monde de l’entreprise et des institutions étrangères. Chacun pourra valoriser ses compétences, dans des missions à nouveau clairement balisées ». La veille technologique et la valorisation de transferts de technologie par des business models, y côtoient l'interface renforcée recherche-université-entreprise, et l'intérêt général pour des concepts porteurs, comme les brevets ou la propriété intellectuelle.

Une nouvelle mission devrait aussi être coulée dans la prochaine loi : l'aide à la décision politique . « Nous avons les ressources sur place, précise Fernand Reinig. Le conseil scientifique et la prospective sont indispensables dans quantité de domaines, ne pensons qu’à la politique énergétique ou à l’agriculture ».

Bref, c’est une ère nouvelle. Selon les cervaux de la fusion, c’est même «un véritable saut quantique».

Alain Ducat

 

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