«Responsabiliser sans infantiliser»

La dernière Nuit des idées a invité public et experts à s'interroger sur l'adaptation de nos modes de vie actuels aux défis écologiques.

Source : Le Quotidien
Publication date : 06/01/2023

 

Comment passer des discours aux actes? C'est la question que la Nuit des idées posait pour sa huitième édition. Créée il y a six ans par l'Institut français, la Nuit des idées vise à confronter les points de vue et à débattre sur des questions de société. Au Grand-Duché, l'évènement est organisé par l'Institut Pierre-Werner, en partenariat avec l'Institut français du Luxembourg, et avec le soutien de Neimënster. L'édition 2023 s'est tenue dernièrement dans les locaux du centre culturel européen, au sein de l'abbaye de Neumünster, dans la capitale. Elle a réuni des experts et un public curieux pour les inviter à échanger sur un thème au premier abord bien mystérieux : «Plus?» La question est en fait une invitation à s'interroger sur l'adaptation de nos modes de vie actuels aux défis écologiques. «Souhaitons-nous toujours plus? Ou devons-nous faire une pause et changer de modèle?», a questionné Claire Lignières-Counathe, ambassadrice de France au Luxembourg, pour lancer la soirée d'échanges.

Pour le Luxembourg, la réponse est claire. Alors que les discours écologistes appellent de plus en plus au «moins», le Grand-Duché, lui, reste sur le «plus». «Le pays n'est pas connu pour sa misère noire», a commencé Antoine Buèno, chargé de l'exposé introductif. L'essayiste a tout de même précisé que le questionnement est aujourd'hui fondamental. «Si le doute s'installe même au Luxembourg, c'est qu'il se passe quelque chose dans le monde.» Et pour cause. Le romancier a rappelé qu'il faudrait deux planètes pour produire tout ce que l'humanité consomme actuellement. «C'est trop… On n'en a qu'une!» Alors, selon lui, il faut penser l'avenir de la croissance économique et démographique dans le contexte écologique.

Mais les défis écologiques ne touchent pas que les modèles économiques. L'écologie est aussi une affaire individuelle et collective. C'est pour cela que le public a été convié à trois tables rondes en simultané. Le but de la Nuit des idées étant d'inviter les gens à participer activement aux débats, les échanges se sont faits entre le public et différents experts. Et pour discuter des actes collectifs et individuels, ce sont Thomas Gibon, chercheur au LIST, et Patrick de la Hamette, chercheur et directeur de l'association Digital Inclusion, qui ont répondu présent.

Aujourd'hui, les discours prônant l'écologie sont nombreux. Mais une chose est sûre, pour réellement changer les choses, il faut agir. Alors, quelles motivations pour passer à l'acte? Comment s'y prendre? Ce sont les questions abordées durant la table ronde. «La première étape est de prendre conscience de son empreinte carbone», a expliqué Thomas Gibon. Il rappelle qu'elle est de treize tonnes par personne au Luxembourg. Soit plus que dans les pays voisins. Et selon lui, la science a un rôle majeur à jouer : «Elle aide à comprendre ce que c'est et elle donne des solutions pour la réduire.» Parmi elles, les questions de mobilité, de logement ou encore d'alimentation ont été citées. Et pour Patrick de la Hamette, la solution la plus efficace est de lier l'écologie à la solidarité. Ce qu'ils font au sein de Digital Inclusion, notamment avec leur initiative Mobile Bag. «On récupère et on recycle des smartphones pour les donner à des personnes dans le besoin.»

Pour motiver les individus à changer leurs habitudes, tout le monde s'est mis d'accord : l'obligation ne fonctionne pas. «Imposer n'est pas une solution, il faut trouver autre chose pour convaincre», suggère l'une des participantes. Un avis largement partagé autour de la table et appuyé par d'autres arguments soulignant un manque de sincérité, une hypocrisie même, des discours sur l'écologie : «Il y a un marketing et une économie de l'écologie.» Non, pour motiver, il faut prendre le temps d'expliquer et de conseiller. Et pour cela, différents facteurs rentrent en jeu : prix, social ou encore santé. Selon les participants, les motivations sont nombreuses, encore faut-il les montrer correctement. «Il faut juste responsabiliser l'individu sans infantiliser.» D'où l'utilité de changer la pédagogie et le modèle social, selon les deux chercheurs.

«Les gestes individuels ne sont pas suffisants, c'est sûr, mais ils sont nécessaires», a assuré Thomas Gibon. Alors, pour que les changements soient plus conséquents, il faut aussi des actes collectifs. Notamment au travers des gouvernements. Le chercheur du LIST a suggéré que les ministères s'informent en repensant les villes et les villages. En proposant, par exemple, des villes où la voiture n'est plus nécessaire. «Le gouvernement devrait offrir des récits d'un avenir durable.» En tout cas, si la question «Plus?» reste toujours sans réponse définie, le public de la Nuit des idées a choisi : «Il faut faire mieux.»

Camille Vari  

 

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