Aux effets immédiats du changement climatique se succéderont la raréfaction des matières premières, l’insécurité alimentaire, les bouleversements naturels et les conséquences sur le bien-être et la santé des citadins. Dès aujourd’hui, il faut restructurer la ville, son séculaire idéal minéral et sa soif de domination sur les espaces naturels.
Source : infogreen.lu
Publication date : 09/12/2023
Quand la question de la gestion circulaire de l’eau au Luxembourg lui est posée, Bruno Renders, CEO du groupe CEDEC (Conseil du Développement Économique de la Construction) répond sans ambages: "le changement climatique nous montre aujourd’hui que la sécheresse au Luxembourg en plein mois d’août est une réalité. Nous devons être capables d’adapter nos infrastructures."
Sandra Huber, Chief Development Officer chez IKO Real Estate ajoute de l’eau au moulin: "nous sommes l’un des pays en alerte rouge en matière de ressources en eau. Depuis quatre ans, nous menons beaucoup d’études et de travaux sur les eaux grises et noires."
L’eau agit tel un révélateur des exigences futures, autant par son caractère vital que par les inégalités qui l’entourent. Jean-Charles Buttolo, chargé d’études pour Luxembourg Stratégie consent que la transformation économique repose sur aux moins deux mécanismes qui, pris séparément, semblent insuffisants: l’innovation technologique et le changement comportemental. Être brillant et vertueux. Pour le moment, au beau milieu des feux canadiens, les stations de lavages arrosent les pickups et les 4X4 comme si de rien n'était.
"Construire la ville sur la ville", pour reprendre les termes de M.Buttolo, comme l’homme le fait depuis toujours, empilant des matériaux nouveaux sur des murs anciens. Oui, mais cette fois, dans une stratégie complètement renversée.
L’augmentation de la population urbaine démultiplie les défis. Entre 1960 et 2020, elle a progressé de 56% pour passer à 4,45 milliards. D’ici 2050, plus de 2,5 milliards d’habitants viendront encore grossir ce chiffre vertigineux que certains qualifient de surpopulation urbaine. Sur Terre, 7 personnes sur 10 vivent en ville. Les cités représentent près de deux tiers de la consommation mondiale d’énergie et produisent plus de 70% des émissions planétaires de gaz à effet de serre (sources: LSC Engineering Group et Luxplan).
Une ville est en moyenne plus chaude de 3 à 10% qu’une zone rurale. Les îlots de chaleur, désormais si décriés, se sont ancrés au fil du temps par:
Pendant des années, les grandes villes occidentales se sont bâties sur de longues avenues et de grandes places aux sols artificiels, dédiés à une circulation croissante. C’est par un étrange revers de la médaille que l’intégration paysagère ou la réapparition du cycle naturel refondent un modèle à bout de souffle.
Caroline Drouard, directrice de département Ingénieur génie urbain chez Luxplan use de la meilleure métaphore pour envisager la transition nécessaire: passer d’une "ville entonnoir" à une "ville éponge". Pour cela les grands axes sont établis: sobriété foncière, surfaces perméables, gestion des eaux décentralisée, multifonctionnalité des usages, etc.
Dès 2008, la Ville de Luxembourg, dans le cadre du programme agenda 21, a engagé des actions en faveur de végétations spontanées en milieu urbain, de gestion durable des forêts communales, d’aménagement de revêtement perméables et végétalisés, de fauchage écologique. Dans le même temps, elle a renoncé aux semences d’OGM (organismes génétiquement modifiées), aux herbicides et aux pesticides.
Mais il est nécessaire de faire plus et d’accroître encore la circonférence de l’approche holistique. Les champs d’application de la résilience urbaine recouvrent ainsi toutes les couches et les artères de la ville: la gestion des déchets, la mobilité douce, les nuisances sonores, la pollution de l’air, la préservation de la biodiversité, l’inclusion et le lien social.
Édouard Perard, chef de division Développement urbain à la Banque européenne d’investissement (BEI), marque la prise de conscience des institutions et de la BEI par des projets d’adaptation à Athènes (forêts urbaines, coulées vertes, 25% d’espaces verts supplémentaires) comme par le cofinancement de la rénovation de 9.600 logements dans le bassin minier du Nord Pas de Calais en France. La ville résiliente passe autant par la végétalisation que par la réduction de la pauvreté énergétique.
Dans ce domaine, une présentation de Ben Scheitler, ingénieur en approvisionnement énergétique durable au sein d’Energiepark, la société de Beckerich, clôture sur un avenir d’innovations structurelles et conceptuelles: achat de parts dans des sociétés civiles ou coopératives solaires, lancement d’E-community en 2023, plateforme dédiée à l’échange d’électricité entre producteurs et consommateurs avec un approvisionnement énergétique durable décentralisé, entre les mains des citoyens. À quelle vitesse sommes-nous déterminés à changer l’environnement dans lequel nous vivons?
Sébastien MICHEL
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