Comment le Luxembourg surveille le virus via les eaux usées

Trois fois par semaine, le LIST analyse des échantillons d'eaux usées pour y traquer des traces du coronavirus qui voyage via... les toilettes. "Début 2021", la méthode permettra de quantifier précisément le nombre de malades dans la population, assure le Dr Cauchie.

Source : rtl.lu
Date de publication : 10/11/2020

 

C'est dans les eaux rejetées dans nos égoûts que les traces de coronavirus donnent, avec un temps d'avance, une image globale de l'évolution de la pandémie. Le Luxembourg n'est pas seul au monde à traquer le virus dans les eaux usées mais c'est un des seuls pays qui mène cette analyse à l'échelon d'un pays entier.

Cette surveillance, baptisée projet coronastep et menée par le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), montre une corrélation entre la concentration du génome du virus dans les eaux sales et la courbe épidémique. L'augmentation "exponentielle" au début de l'épidémie en mars, était suivie d'une baisse liée au confinement, jusqu'à une disparition mi-mai.

Depuis le début de la deuxième vague, les analyses révèlent à nouveau la présence massive de traces du génome du virus. Atteignant à la fin octobre des pics jamais relevés jusqu'ici, la courbe des traces de coronavirus dans les eaux usées au Luxembourg continue de plafonner mais s'est stabilisée à un haut niveau. C'était plutôt une bonne nouvelle.

COMMENT ÇA MARCHE ?

En pratique, cette surveillance des fragments de virus dans l'eau - qui se fait avec le concours de l'Administration de la gestion de l'eau et du Laboratoire national de la Santé - démarre à la porte d'entrée des stations d'épuration. Treize d'entre elles ont été sélectionnées dont la plus grande du pays, celle de Beggen, au nord de la capitale, ou celle de Schifflange qui traite les eaux résiduelles de six communes avoisinantes dans le sud.

Trois fois par semaine, le personnel des stations prélève de l'eau "toutes les quinze minutes durant 24 heures. De sorte qu'un litre d'eau contient un échantillon représentatif de ce qui se passe durant toute une journée", explique le Dr Henry-Michel Cauchie qui dirige le groupe de recherches microbiologie environnementale au sein du LIST.

Bien emballés, les échantillons sont ensuite transférés dans le laboratoire spécialisé de Belvaux où sont manipulés les virus pathogènes. Une première étape pour traquer le virus dans l'eau sale consiste à "concentrer l'eau pour avoir une grande quantité de virus dans un petit volume par centrifugation", résume le responsable du projet coronastep. Une fois le matériel génétique extrait, est fait un PCR comme pour le monitoring de la population pour détecter la présence du génome du virus.

A QUOI ÇA SERT ?

Avant d'être publié sur le site du LIST, le rapport est immédiatement envoyé aux responsables de la crise sanitaire du gouvernement et arrive sur le bureau de Paulette Lenert, ministre de la Santé. La courbe permet de voir l'évolution de la quantité de virus dans les eaux usées et de donner la prévalence du virus dans la population. C'est indicateur-clef pour les décideurs.

Il manque toutefois une pièce du puzzle dans la méthode pour pouvoir analyser les données avec plus de finesse. Si le LIST est sûr que sa méthode représente bien la circulation du virus dans la population, elle ne peut, en revanche, pas encore être utilisée pour quantifier précisément le nombre de malades. Mais "cela pourra se faire d'ici début 2021. Nous devrions avoir une assez bonne qualibration", assure Henry-Michel Cauchie.

QUELS AVANTAGES ET QUEL AVENIR ?

L'intérêt de ce monitoring des eaux usées c'est sa réactivité. Entre les égouts et l'analyse, la réponse tombe en 30 heures. Le coronastep donne une image de la pandémie bien avant que ne soient connus les résultats des tests menés à grande échelle sur la population. Ce dernier prend plusieurs jours en général.

Si cela est moins vrai au Luxembourg, l'intérêt pour la méthode développée par le LIST peut être d'autant plus grand pour d'autres pays qui peinent à mettre en place le testing de leur population. "A l'avenir on disposera d'un système pour surveiller la pandémie dans une grande zone et avec des données représentative pour un grand nombre de personnes", assure Henry-Michel Cauchie.

Le LIST compte bien poursuivre ses travaux de recherches à l'avenir pour créer un outil de surveillance pérenne qui permettra de traquer d'autres virus. "Nos prochains travaux porteront sur les virus de la grippe et de l'hépatite qui circulent via les eaux résiduelles", prévoit déjà le Dr Cauchie.

Maurice Fick

5minutes.rtl.lu/actu/luxembourg/a/1611289.html

 

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