Glyphosate : les vignerons y sont presque

Le nouveau gouvernement veut interdire l'utilisation du glyphosate d'ici la fin 2020. La profession, elle, a déjà lancé le mouvement il y a plusieurs années. Entre les tergiversations du Parlement européen et la volonté affichée des coalitions Gambia I et donc maintenant Gambia II, les vignerons ont eu le temps de voir venir le bannissement annoncé du glyphosate. Ils s'y préparent activement.

Source : Le Quotidien
Date de publication : 01/12/2018

 

Xavier Bettel l'a confirmé jeudi, le futur gouvernement compte interdire l'utilisation du glyphosate pour septembre 2020. Dans certains secteurs de l'agriculture (notamment céréalière), ce sera un vrai défi. Dans d'autres, la révolution ne semble pas complètement impossible… si tant est que les politiques parviennent à établir un vrai contact avec les vignerons. À ce jeu-là, le prochain ministre de l'Agriculture, RoX main Schneider, semble être un choix opportun. Entre 2009 et 2013, il occupait déjà la rue de la Congrégation et la qualité de son travail autant que sa faculté d'écoute avaient été saluées par beaucoup dans la Moselle. Une terre pas franchement socialiste par ailleurs.

Le glyphosate est uniquement utilisé sous les vignes, sur une bande de 20 à 30 centimètres de large, pour tuer les herbes qui pourraient empêcher la bonne circulation de l'air entre les grappes. Ce faisant, il limite l'humidité dont raffolent les maladies cryptogamiques comme le mildiou. Pour se passer des herbicides chimiques, il faut donc trouver un autre moyen de désherber sous les ceps.

C'est un travail auquel s'attelle depuis plusieurs années l'Institut vitivinicole (IVV) de l'État. L'IVV ne disperse d'ailleurs plus une seule goutte de glyphosate dans ses vignes depuis 2016. À la place, il utilise le désherbage mécanique ou de nouvelles machines permettant de faucher les herbes ou de griffer la terre, ce qui amène au même résultat. Il teste également de nouveaux désherbants qui remplaceraient avantageusement le glyphosate. Il existe par exemple des produits d'origine naturelle (mais pas bios), conçus à partir d'acide gras de colza. Les essais, menés en compagnie du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), se sont révélés absolument concluants.

Deux écueils : les pentes et le prix

Si les solutions existent et s'avèrent efficaces, un problème de taille subsiste : leur prix. Le glyphosate, lui, ne coûte pratiquement plus rien depuis que le brevet est tombé dans le domaine public : environ 30 euros à l'hectare. La nouvelle génération de désherbant est facturée dix fois plus et les nouveaux appareils qui, fixés au tracteur, permettent le désherbage mécanique reviennent à 12 500 euros pièce. 

Ces dernières, pourtant, sont de plus en plus nombreuses dans les vignes du pays. Cet été, les vignerons indépendants avaient présenté au ministre Fernand Etgen leurs nouvelles acquisitions : 14 nouvelles machines spécialement adaptées au vignoble mosellan. Et ils ne sont pas les seuls à avoir investi. Marc Desom (domaine et caves Desom, à Remich) ne répand plus de glyphosate depuis 2005 sur les 13 hectares de la propriété familiale grâce à ces investissements. Josy Gloden, le président de Vinsmoselle, qui possède l'une des plus grosses exploitations du pays, explique dans le magazine Vinorama.lu qui vient de paraître : «Je ne passe plus de glyphosate dans 98 % de mes vignes. Les deux seules qui en reçoivent un tout petit peu, c'est parce qu'elles sont en dévers et qu'il est dangereux de passer en tracteur pour désherber mécaniquement.»

On le voit, le mouvement vers l'abolition du glyphosate est très avancé sur la Moselle. Par souci de protection de l'environnement, mais aussi parce que les producteurs voient très bien l'effet marketing qu'aurait une telle décision, notamment à l'étranger. Mais il reste des freins.

D'une part, il faudra trouver une solution pour les vignobles en pente qui sont difficiles d'accès. Et d'autre part, les vignerons dont ce n'est pas l'activité principale vont certainement avoir du mal à suivre le rythme. Car tout le monde est d'accord : se passer du glyphosate est possible, mais impose des coûts plus élevés et davantage de temps de travail et donc, à terme, de nouvelles embauches de personnel. Une étude française menée par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut d'études supérieurs agronomique de Montpellier (Supagro) démontrait que si le bio représentait 5 % des exploitations françaises, il embauchait 10 % du personnel de la filière. Sur le terrain, les vignerons signeront très certainement la fin du glyphosate, mais ils ne veulent pas y laisser des plumes. 

Erwan Nonet

 

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