Initiatives environnementales : état des lieux

L’Accord de coalition du Gouvernement issu des élections législatives d’octobre 2018 prévoit un certain nombre d’actions dans le domaine environnemental pour les cinq prochaines années. Pour la deuxième fois consécutive, Les Verts (Déi Gréng) comptent comme troisième force de cette coalition « Ambitieux-(se), équitable et durable ». Ils auront à coordonner les actions en faveur d’une croissance durable, avec l’ensemble du Gouvernement. État des lieux de ce qui est prévu dans cet accord, de ce qui est « en cours » et de ce qu’il reste à faire.

Source : Merkur
Date de publication : 18/07/2019

 

La population croît fortement au Luxembourg, puisque celle-ci a progressé de 95 % en près de 60 ans et de plus de 22 % depuis 2010. On parle du million d’habitants, nombre si symbolique pour les années 2050. Cette forte poussée démographique s’accompagne de défis liés aux spécificités du pays : un territoire limité, l’emploi, principalement concentré dans la capitale et son agglomération, presque 200.000 travailleurs frontaliers affluant chaque jour, etc. La tension dans le secteur du logement ou encore les pressions sur le système de pension, font partie des champs d’action où un changement est nécessaire, face à la croissance continue annoncée au Grand-Duché. À cela s’ajoute une productivité en berne qui indique une croissance plus extensive - c’est-à-dire basée sur une croissance des facteurs travail et capital -, que durable, car davantage découplée des entrants dans le processus de production. Dans un contexte de revendications « climatiques », c’est à ces velléités nationales, européennes et internationales que doivent répondre les mesures « vertes » énoncées et il revient au Gouvernement luxembourgeois de créer un cadre favorable à la productivité des ressources et à une croissance qualitative pour les citoyens et les entreprises.

UN PROGRAMME « VERT »

Ceux qui ont pris connaissance de l’Accord de coalition 2018-2023 du Gouvernement n’auront pas manqué les nombreux engagements environnementaux regroupés dans un chapitre « Développement durable, Climat et Protection des ressources ». L’Agenda 2030 des Nations-Unies, comprenant les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD), ainsi que l’Accord de Paris adopté par 195 pays - dont le Grand-Duché - en décembre 2015, constituent les lignes directrices de cet accord sur cinq ans, ce qui en fait un programme intégré dans une gouvernance d’envergure.

Ainsi, le 3ème Plan National pour un Développement Durable (PNDD), ou « Luxembourg 2030 », suit son cours. La finalisation de l’étude concernant l’incidence des subventions nocives pour l’environnement et les allègements fiscaux relatifs au développement durable compte parmi les engagements phares. Elle s’inscrit dans un contexte de cohérence politique en ce que ses conclusions permettront de définir un plan d’action holistique qui regroupe à la fois le point de vue environnemental, mais aussi social et économique. Le pays doit cependant embarquer dans son sillage ses partenaires européens afin de ne pas « faire cavalier seul ».

Pour respecter l’Accord de Paris et tenir compte des conclusions du « Rapport spécial du réchauffement climatique global à 1.5°C » du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC), un plan national intégré en matière d’énergie et de climat pour la période 2021-2030 est en cours d’élaboration. Ce dernier sera accompagné d’une nouvelle loi climat, pensée en étroite collaboration avec tous les ministères concernés. Il est ainsi prévu que l’évaluation environnementale des matériaux de construction soit complétée par une évaluation des risques liés à la santé et par des critères d’économie circulaire.

Dans le domaine de la finance durable, une entité publique-privée, la « Luxembourg Sustainable Finance Initiative », constitue l’enceinte idéale pour élaborer la stratégie nationale de la finance durable pour le Luxembourg, tout en regroupant les acteurs pertinents du domaine et en étant co-présidée par le ministère des Finances et le Département de l’environnement du ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable. L’entité mentionnée se base sur les éléments clés figurant dans la « Luxembourg Sustainable Finance Roadmap » (LSFR). Elle sert en outre de plateforme de discussion concernant l’analyse de la faisabilité et de l’impact des mesures découlant des recommandations de la LSFR. 

En parallèle, une réflexion autour de la dépendance des finances publiques aux ressources émanant de la vente de carburants aux non-résidents sera lancée. Dans la même veine, des actions sont prévues à l’égard de l’eau et de l’énergie, mais aussi de la gestion de la dépendance vis-à-vis des ressources de façon générale. Dans ce contexte, le Gouvernement tient à porter une attention particulière au prix de l’eau pour les ménages, l’industrie, l’agriculture et le secteur de l’hôtellerie, de la restauration, des campings et des cafés (Horeca), tout en respectant l’autonomie communale. En outre, une stratégie nationale prévoyant la construction de nouvelles stations d’épuration, plus efficaces en matière de consommation énergétique, productrices d’énergie renouvelable et respectant mieux les principes de l’économie circulaire est prévue. Pour le volet énergie, des mesures incitatrices pour attirer l’investissement dans les Startups innovantes sont à l’ordre du jour. Des liens seront également à établir avec le secteur financier afin de développer davantage les fonds d’investissement dans le domaine de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Ces liens permettront de faciliter l’encadrement de la transition énergétique au niveau luxembourgeois, mais aussi, à plus grande échelle, au niveau européen, voire mondial. Enfin, l’Accord de coalition semble aller encore plus loin dans son objectif de décarbonisation de l’économie, puisqu’il incite fortement à l’électrification dans tous les secteurs, tels que les transports, le chauffage et l’industrie, pour atteindre une économie à zéro émission de gaz à effet de serre. Cette mesure fait aussi partie du plan « Luxembourg 2030 ».

L’accent est encore davantage mis sur le plan énergétique. Ainsi, des mesures telles que le développement de partenariats / coopérations avec les acteurs concernés de la Grande Région en vue d’assurer une transition énergétique régionale et cohérente, la mise en place de réseaux d’énergie intelligents (déjà au coeur de la Troisième Révolution Industrielle (TIR)), la rénovation des bâtiments grâce à la généralisation du prêt climat à taux zéro, ou encore l’innovation et la recherche dans les domaines des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique des villes, quartiers et bâtiments intelligents promue de façon plus poussée, font partie de l’Accord de coalition. Les efforts et les compétences existant à l’Université du Luxembourg et au sein du LIST seront redynamisés, avec pour but la création d’un centre d’excellence autour des technologies vertes et la promotion d’un écosystème propice aux spin-off / startup.

Des mesures de plus petite envergure sur le papier, mais non des moindres dans les faits, ont aussi été énoncées dans cet Accord de coalition : l’économie circulaire, déjà au coeur de la stratégie TIR, continuera d’être promue à travers l’ensemble de l’économie nationale, jusqu’à ce que les déchets soient considérés comme une ressource et que la réparation, la réutilisation et le recyclage de produits deviennent la règle, tout comme la transparence dans la traçabilité des produits chimiques.

Aussi, la digitalisation comporte un potentiel considérable de simplification administrative et peut engendrer des gains de productivité importants. Des outils numériques interactifs devraient permettre une optimisation des procédures environnementales ainsi qu’une simplification des démarches pour les citoyens et les entreprises.

Enfin, une promesse d’abandon de l’utilisation du très discuté glyphosate a été faite pour le 31 décembre 2020 et une analyse approfondie, prenant en considération des expériences réalisées dans d’autres États membres de l’Union européenne, sera effectuée en vue d’identifier les différentes possibilités pour une réforme des impôts sur l’énergie. Cette dernière devra tenir compte des implications budgétaires, des potentiels impacts sur la compétitivité des entreprises implantées sur le territoire national, ainsi que des effets éventuels sur la pauvreté énergétique. 

UN AGENDA DÉJÀ BIEN AVANCÉ

Huit mois après la rédaction de ce programme, de nombreux engagements ont été amorcés et certains semblent loin d’être des effets d’annonce. 

Premièrement, l’engagement d’interdire les sacs plastiques à usage unique gratuits dès le 1er janvier 2019 a été respecté ; les entreprises et les utilisateurs s’y étaient largement préparés. Le Plan National pour un Développement Durable, aussi appelé « Luxembourg 2030 » reste en toile de fond des objectifs du Gouvernement et les mesures du Plan National annoncées en 2018 sont mises en place une à une sur fond d’Objectifs de Développement Durable (ODD). En parallèle, dans le cadre de la révision continue de la nomenclature des établissements classés (« commodo »), telle que prévue par l’Accord de coalition, une nouvelle version de ce texte entre en vigueur au 1er juillet 2019. Cette révision a pour objectif de réduire les démarches administratives, tout en respectant les objets de la loi dite « commodo » et comprend, à titre d’exemple, les adaptations suivantes : un nouveau regroupement des activités afin d’améliorer la lisibilité du texte, une adaptation des classes, l’introduction de certains seuils d’insignifiance et la suppression des points faisant double emploi ou bien étant devenus obsolètes. Enfin, un rapport sur la biodiversité, ainsi que des avancées dans le domaine de la protection de la nature devraient voir le jour d’ici la fin de l’année. 

Mais les mesures phares amorcées sont celles liées au Plan National intégré en matière d’Énergie et de Climat (PNEC) présenté en février 2019 avec des objectifs en accord avec le Programme Gouvernemental : ambitieux. Ce plan devra être validé auprès de la Commission européenne d’ici la fin d’année 2019. Malgré une reconnaissance de ces efforts gouvernementaux, une remarque s’impose ici. Les trois objectifs majeurs de ce plan (réduction des émissions de gaz à effet de serre entre -50 et -55 % par rapport à 2005, part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale brute entre 23 et 25 %, objectif d’efficacité énergétique compris entre 40 et 44 %) sont plus ambitieux que les objectifs européens eux-mêmes. Cette ambition, si elle est saluée, risque néanmoins de ternir les efforts effectués si ces objectifs / promesses nationaux ne parviennent pas à être atteints et ce, malgré le dépassement des objectifs européens. 

En parallèle, la Sustainable Finance Roadmap mise en place à la fin de la législature précédente, s’ancre dans le paysage d’action gouvernementale « verte » avec un évènement d’envergure qui s’est tenu le 26 juin dernier et qui devrait permettre de développer ce chantier majeur pour le pays autour de ce secteur clé.

Mais une attention toute particulière est à porter sur les plans directeurs sectoriels, déjà à l’agenda du Gouvernement précédent, et se faisant toujours attendre malgré la volonté de continuité gouvernementale, bloquant ainsi des avancées en lien avec le défis luxembourgeois de l’aménagement du territoire. Une gouvernance holistique est ici nécessaire, afin d’éviter des allers-retours inefficaces entre consultation publique, Plans d’Aménagements Généraux (PAG / au niveau communal) et Plans Directeurs Sectoriels (au niveau national).

UN PROGRAMME TITANESQUE ET NÉCESSAIRE

Il reste donc beaucoup à faire dans le cadre de cette transition écologique et durable annoncée et souhaitable. Comme l’indiquait l’Accord de coalition, le programme « vert » ne déroge pas à la règle et est ambitieux. S’il n’y avait qu’une recommandation à faire, ce serait celle de la centralisation des projets autour d’interlocuteurs uniques, afin de faciliter cette transition pour toutes les parties prenantes. Ainsi, l’une des mesures phares proposée par la Chambre de Commerce dans son Actualité & Tendances n°20 Entreprise Luxembourg 4.0, prend tout son sens avec la création de « front offices » pour les sujets d’envergure, tels que les autorisations d’établissement. Ces structures constitueraient l’interlocuteur privilégié pour toutes les parties prenantes, géreraient les projets d’envergure dans leur ensemble, et surtout éviteraient les « cafouillages » publics entre ministères.

Toutes ces mesures et évolutions ont un impact direct sur les entreprises, mais celles-ci sont loin d’être laissées pour compte dans les réflexions et avancées. Le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable a en effet souvent ecours aux consultations publiques ou aux consultations ciblées sur les parties prenantes des différentes thématiques, ce qui permet d’inclure les entreprises dans les réflexions. La transition écologique constitue en effet une mutation, une transformation profonde au niveau économique mais également au niveau social, et il convient de l’accompagner et d’en faire une opportunité au lieu de la considérer comme une menace. Dans cette transition, les premières entreprises à s’engager seront aussi celles qui saisiront l’opportunité d’imposer leurs modèles d’affaires comme « best practices » ou encore comme standards. Elles évolueront dans un environnement encore relativement peu compétitif. De plus, en raison de l’urgence des problématiques environnementales, la multiplication des réglementations internationales et nationales imposant des critères conformes au développement durable est une certitude. Le changement, s’il n’est pas déjà initié, sera à terme plus que probablement contraint, d’où l’intérêt pour les entreprises de ne plus seulement être « agiles » mais aussi de savoir anticiper pour pouvoir profiter d’un environnement favorable. 

Laure Demezet

 

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