La saison balnéaire est finie

Du fait de la prolifération d'algues bleues toxiques, baignade et activités nautiques sont interdites aux lacs de Weiswampach et de la Haute-Sûre. Les cyanobactéries, ou algues bleues, ont envahi les lacs de la Haute-Sûre et de Weiswampach. Si le phénomène est ordinaire, son intensité et sa précocité le sont beaucoup moins.

Source : Le Quotidien
Date de publication : 01/08/2018

 

Fin juillet, des semaines sans la moindre averse, un soleil chaque jour rayonnant et une chaleur accablante... Pourtant la saison des baignades est déjà terminée pour deux hauts lieux nautiques luxembourgeois, le lac de Weiswampach et le lac de la Haute-Sûre.

La faute à des (milliards) de petites algues bleues, les cyanobactéries, particulièrement toxiques ici pour l'homme et les animaux. Le ministère a donc décidé d'interdire la baignade ainsi que toute activité nautique dans ces lieux, et recommande vivement de ne pas consommer de poissons pêchés dans ces eaux et de ne pas laisser les chiens et autres animaux domestiques y boire.

Cette invasion d'algues n'a pourtant rien d'inhabituel. Mais son intensité est extraordinaire, comme le fait remarquer le Dr Christian Penny, microbiologiste de l'environnement au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) et expert national pour les cyanobactéries : « Par le passé, on observait cette prolifération à la fin de l'été ou au début de l'automne. De plus, on a ici une généralisation sur le lac entier, alors qu'habituellement les cyanobactéries se développent de façon beaucoup plus localisée. »

Les causes de cette prolifération demeurent assez difficiles à déterminer, mais plusieurs hypothèses peuvent se superposer  : des fortes chaleurs sur une longue période, un changement d'équilibre dans la biodiversité des lacs, trop de sédiments...

Le changement climatique en cause


« La première chose que nous avons faite, c'est vérifier s'il y avait eu un apport accidentel d'eaux usées, mais cela n'a pas été le cas », indique le Dr Christian Penny.

Autre facteur qui ne semble pas faire de doute pour l'expert : le changement climatique. « Le phénomène semble augmenter mondialement, bien que le fait qu'il y ait une meilleure surveillance ne soit pas exclu. Mais l'augmentation de CO2 dans l'atmosphère permet aux cyanobactéries de se développer plus vite, car elles le captent du fait de la photosynthèse. Il en va de même avec des périodes de sécheresse plus longues ou des effets hydroclimatiques plus violents qui peuvent drainer les terres et provoquer un fort apport en nutriments. »

Facteurs multiples, surface de plusieurs kilomètres carrés, eau destinée à la consommation... De fait, les moyens de traitement sont particulièrement limités, pour le lac de la Haute-Sûre en particulier. « Mettre des appareils de sonication, des mélangeurs d'eau ou des flotteurs est quasiment impossible au niveau logistique », assure le Dr Penny.

Sans une période de mauvais temps pour assainir les lacs et l'atmosphère, l'ouverture des lacs ne pourra donc se faire avant l'automne.

Pas de danger pour l'eau potable

Source d'approvisionnement majeure en eau potable au Luxembourg, les eaux du lac de la Haute-Sûre présentent-elles un danger pour la population? Aucun, selon le Dr Christian Penny du LIST : « Le développement des cyanobactéries se passe en surface. Or, l'eau pompée destinée à la consommation est prise en profondeur en été – au moins 25 mètres. Nos mesures montrent que cette eau brute ne contient pas de cyanobactéries ni de toxines. Par ailleurs, le traitement de potabilisation inclut une ozonation, un traitement au charbon actif, etc. Des étapes efficaces pour enlever tous les micro-organismes, y compris les cyanobactéries et leurs toxines.»

Des symptômes très divers

La contamination aux toxines cyanobactériennes se fait par ingestion de l'eau ou par contact (en se baignant par exemple).

Les symptômes chez l'être humain sont très divers, comme le note l'Organisation mondiale de la santé (OMS) : irritation cutanée, crampes d'estomac, vomissements, nausée, diarrhée, fièvre, angine, céphalées, douleurs musculaires et articulaires, vésicules autour de la bouche et atteinte hépatique.

« Les cyanobactéries prédominantes au Luxembourg peuvent attaquer le foie et avoir des effets très néfastes sur le long terme », souligne le Dr Christian Penny.

Remerschen à l'abri

La baignade reste autorisée aux étangs de Remerschen, où aucune prolifération de cyanobactéries n'a été observée à ce jour.

« Les étangs ont des caractéristiques particulières, moins propices à un développement majeur de cyanobactéries. L'écosystème est différent, il y a beaucoup d'autres plantes aquatiques, ce qui permet une limitation de leur développement. Mais j'espère qu'il n'y aura pas d'apport de bactéries via les vêtements ou le matériel que peuvent apporter les gens », fait remarquer le Dr Christian Penny.

Nouvelles zones de protection

Environ 50 % de la capacité de production d'eau destinée à la consommation humaine du Luxembourg sont extraits du lac de la Haute-Sûre, soit 70 000 m3 par jour», indique le ministère du Développement durable et des Infrastructures.

Il est donc vital de protéger cet espace précieux. À cette fin, le conseil de gouvernement a approuvé le 22 juin dernier un avant-projet de règlement grand-ducal concernant la zone de protection de ce lac.

En effet, si des zones de protection sanitaire existent depuis 1961, déterminant les installations, travaux et activités autorisés ou interdits autour du lac, celles-ci ont été délimitées sans prendre en compte différents facteurs scientifiques.

Le nouveau règlement grand-ducal couvre, lui, plus de surface, du fait d'une approche plus détaillée. Mais il subdivise les zones en fonction du degré de risque de pollution.

«Les restrictions les plus strictes se limitent aux alentours immédiats autour de la prise d'eau», précise le ministère, qui ajoute : «Afin de pallier le risque de prolifération de colibacilles dans l'eau potable du lac, l'épandage de lisier est interdit dans cette zone qui représente moins de 3 % de la surface agricole. Dans 97 % de la surface des zones de protection, une activité agricole reste donc possible.»

Réduire les apports en nutriments

Protéger les ressources en eau permettrait de limiter la prolifération des algues bleues à l'avenir et d'éviter que les saisons balnéaires ne se terminent fin juillet.

« Il y a plusieurs facteurs à la prolifération des cyanobactéries : températures élevées sur des périodes de plus en plus longues, journées ensoleillées, sédiments..., rappelle la ministre de l'Environnement, Carole Dieschbourg. Mais si on réduit les nutriments qui arrivent dans l'eau, notamment via le lisier, il peut y avoir un effet positif sur le long terme concernant les cyanobactéries. Il nous faut aussi travailler avec les agriculteurs pour éviter qu'il y ait érosion des terres.»

Des mesures à mettre en place mais dont les résultats risquent de mettre de nombreuses années à se faire sentir.

« Il y a encore des réserves qui se sont créées sur les 60 dernières années. Donc il y a encore assez de nutriments pour que les cyanobactéries puissent continuer de se développer dans les années à venir », indique le Dr Christian Penny, expert national pour les cyanobactéries.

Le règlement devrait entrer en vigueur à la fin de l'année et un régime d'aide pour soutenir les exploitations agricoles situées autour du lac de la Haute-Sûre est en préparation.

Tatiana Salvan

 

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