Le List multiplie les projets pour l’hydrogène propre

Après le projet Hephoto, le List signe un second partenariat avec l’entreprise 3D-Oxides pour développer l’hydrogène propre. Ils se concentreront cette fois sur le titanate de strontium. L’objectif: une preuve de concept dans quatre ans, pour une industrialisation dans dix ans.

Source : paperjam.lu
Date de publication : 14/09/2020

 

Le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) annonce la couleur: le vert. Il met les bouchées doubles pour développer l’hydrogène propre.

Cet élément chimique se trouve dans l’eau et les hydrocarbures, comme le pétrole, le gaz, le charbon. Il permet de produire et stocker de l’énergie sans émettre de gaz à effet de serre. Mais aujourd’hui, on l’extrait principalement des hydrocarbures, ce qui libère beaucoup de CO2. Une alternative existe, l’électrolyse de l’eau, encore trop coûteuse. Le List cherche donc une autre méthode et multiplie les projets dans ce sens.

Trois projets pour un même objectif

D’abord, il y a CleanH2, du Dr Boscher, dont nous vous avons parlé cet été dans le cadre de notre série Vendredinnovation . Le chercheur a obtenu une bourse d’études de 1,9 million d’euros par le Conseil européen de la recherche pour créer des «polymères photocatalytiques assemblés à partir de dérivés de chlorophylle». Il cherche à utiliser la lumière du soleil pour rendre la photosynthèse artificielle plus efficace.

Arrive ensuite le projet Hephoto, mené par la Dr Bianca Rita Pistillo. En juin dernier, le List avait annoncé un partenariat avec l’entreprise française 3D-Oxides, spécialisée dans le développement de matériaux dits extraordinaires (conducteurs photo-catalytiques, autonettoyants, etc.) grâce à la technologie du dépôt de vapeur par faisceau chimique. Leur objectif commun: obtenir de l’hydrogène par le fractionnement de l’eau, en la décomposant en oxygène et en hydrogène. Ils explorent un matériau photocatalyseur plus efficace: le NaTaO3.

Les travaux avancent, et les deux partenaires parlent de «laboratoire commun» depuis que la machine Sybilla 450 a été installée dans les locaux du List à Belvaux. Un investissement «coûteux» – dont l’institut préfère taire le montant – qui permet de traiter des substrats (substances) de diamètre allant jusqu’à 45 cm. Une taille importante qui permet de «générer des photo-électrodes en grand nombre ou de taille suffisante pour des tests d’utilisation pertinents», se félicite le List. Le but final est de trouver le matériau qui permettra d’obtenir, en une seule étape, des photo-électrodes très efficaces pour fractionner l’eau.

Si d’autres machines de ce genre existent dans le monde, «aucune de cette taille [n’existe]», assure Damien Lenoble, directeur du département Recherche et technologie des matériaux du List.

Focus sur le titanate de strontium

Les deux partenaires ne s’arrêtent pas là et ont signé un nouveau contrat, mercredi 16 septembre à Belvaux, dans la salle de conférence du List, après une visite du laboratoire. Ils collaboreront sur le projet Stonb, à partir de février prochain. L’acronyme de «Strontium titanate oxide with narrow bandgap», puisqu’ils se focaliseront cette fois-ci sur l’utilisation du titanate de strontium (STO), un minéral d’oxyde de calcium et de titane, pour produire des films minces destinés à la production d’hydrogène. Le projet sera dirigé par le Dr Emanuele Barborini.

«La division de l’eau par photo-électrochimie au moyen de photons solaires, un processus dans lequel l’énergie solaire est capturée par la surface de matériaux spéciaux et exploitée pour briser les molécules d’eau de l’hydrogène et de l’oxygène, est la solution parfaite largement mise en avant, mais pas encore atteinte», explique l’institut. Pour ce faire, le titanate de strontium semble «particulièrement intéressant grâce à ses propriétés physico-chimiques».

Mais quand sera-t-il possible d’utiliser cet hydrogène propre? «Tout dépendra de la qualité des recherches», répond Damien Lenoble. Il admet que, comme toutes recherches, celles-ci correspondent à un «pari», même si les débuts sont «prometteurs». Il veut dépasser les rendements du photovoltaïque, de 25% actuellement.

Les deux partenaires se laissent quatre ans, mais leur contrat est renouvelable. «Nous espérons déjà avoir une preuve de concept d’ici là», se projettent-ils. Viendra ensuite le «long chemin» vers l’industrialisation afin que cette solution devienne rentable. «Nous espérons en être capables pour 2030», calcule le directeur du département Recherche et technologie des matériaux du List, avec optimisme.

1,5 million d’euros d’investissement

«Toutes les industries» seront concernées selon lui, et l’hydrogène propre sert aussi bien à conduire ou à voler qu’à alimenter ordinateurs et téléphones portables. «C’est aussi une clé pour verdir la sidérurgie», note-t-il.

Près de 1,5 million d’euros ont été investis au total par le List et 3D-Oxides. Ils ne communiquent pas de détails sur le partage du financement. Le Fonds national de la recherche (FNR) a également participé aux deux projets, qui mobilisent plus d’une dizaine de chercheurs.

Le Luxembourg espère que ce sera suffisant pour s’imposer dans la course à l’hydrogène renouvelable. D’après la Commission européenne, les investissements en Europe devraient atteindre entre 180 et 470 milliards d’euros d’ici 2050 . La France a déjà dévoilé un plan ambitieux: 7 milliards d’euros sur dix ans pour développer la filière française de l’hydrogène décarboné.

Bonne nouvelle. Parce qu’en attendant, la production d’hydrogène à partir d’hydrocarbures émet 830 millions de tonnes de CO2 par an dans le monde. Soit l’équivalent des émissions du Royaume-Uni et de l’Indonésie réunis, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) …

Mathilde Obert

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