Une approche multidisciplinaire

«L’objectif n’est pas de faire de la recherche fondamentale en informatique mais plutôt de partir des résultats de la recherche existante pour les adapter et mettre au point de nouvelles applications et nouveaux services», explique Prof. Dr Eric Dubois, directeur du département de recherche « IT for Innovative Services » (ITIS) du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), né de la fusion du CRP Henri Tudor et du CRP Gabriel Lippmann. Interview.

Source : Lëtzebuerger Gemengen
Date de publication : 24/02/2015

 

Le CRP Henri Tudor et le CRP Gabriel Lippmann ne font plus qu’un, et prennent l’appellation LIST pour «Luxembourg Institute of Science and Technology». Quels sont les principaux changements qu’engendre cette fusion ?

Le ministère de la Recherche a vu dans cette fusion l’occasion de créer une entité de type RTO – «Research and Technology Organisation». Il s’agit quelque part d’entités de transfert entre la recherche fondamentale, menée habituellement au niveau de l’université, et son application, transfert et valorisation sur le terrain.

Au travers de la création du LIST, le gouvernement a souhaité parvenir à une chaîne intégrée entre recherche et applications innovantes, et ce, dans trois domaines, l’environnement, les matériaux et les TIC.

Quelles sont les différences au niveau des secteurs ciblés par la recherche des trois départements ?

Tant les domaines couverts que les champs d’application ou encore les défis sont très différents. Le travail de recherche au sein du département «Materials Research and Technology» (MRT), par exemple, est axé sur le secteur industriel et sa ré-industrialisation tandis que celui mené au département ITIS, que je dirige, s’articule avant tout autour de la notion de «service» et son secteur important au Luxembourg..

Vous êtes donc à la tête du département ITIS. Quelles sont les autres spécificités de votre département ?

Nous nous intéressons de près à tout ce qui permet à une innovation IT d’exister ou de prendre place, ce qui requiert très souvent de dépasser le seul angle technologique. Aussi, une des caractéristiques de notre département réside dans sa multidisciplinarité. Une majorité des 140 collaborateurs sont davantage orientés sur le volet technologique tandis que d’autres abordent des aspects non technologiques tels que les processus organisationnels, les aspects humains ou économiques des innovations en matière de services.

En effet, dans la mesure où le Luxembourg n’abrite pas de grandes sociétés informatiques actives dans le hardware ou le software de base, l’objectif n’est pas de faire de la recherche informatique sur les infrastructures de base mais plutôt de partir de l’existant pour mettre au point de nouvelles applications et nouveaux services à destination d’une majorité des entreprises luxembourgeoises.

Quels sont les projets phares sur lesquels vous travaillez à l’heure actuelle ?

Nous travaillons sur ce que l’on dénomme «lignes technologiques» où nous intégrons à la fois des aspects de recherche plus fondamentaux et des aspects davantage applicatifs et innovants.

Parmi les lignes phares développées actuellement, citons la ligne qui a trait à la qualité de service, qualité de service amenée à jouer un rôle toujours plus important dans le cadre de la stratégie «Digital Lëtzebuerg», mise sur pied par le gouvernement.

Précisément, comment s’inscrit votre travail dans le cadre de ce programme ambitieux ?

Le Luxembourg s’est doté d’infrastructures de premier plan dans le domaine des TIC ces dix dernières années, avec pour dessein final de proposer des services informatiques à très haute valeur ajoutée. Dans ce contexte, tant la qualité que l’utilisabilité ou encore la gestion des services, leur conformité à la législation ainsi que la sécurité des données jouent un rôle primordial, ceci afin de permettre au Grand-Duché de se différencier des places concurrentes.

En faisant le choix de concentrer en premier lieu nos efforts sur la qualité de services, nous cherchons à ce qu’un maximum de sociétés s’approprient puis mettent en place les nouvelles techniques de gestion et des technologies liées à la surveillance de la qualité de services.

Pouvez-vous préciser ?

Il existe aujourd’hui des référentiels et standards internationaux en matière de gestion de qualité de services. Pour respecter ces référentiels, nous développons l’outillage permettant aux entreprises de les déployer dans une organisation ad hoc, avec les mises à jour que cela suppose, de même que le monitoring des incidents et risques.

Par exemple, nous avons développé un modèle d’organisation de processus, baptisé TIPA, auquel les entreprises peuvent avoir recours pour réaliser leur organisation de la gestion des services et témoigner d’un niveau de maturité et d’excellence opérationnelle.

Parallèlement, nous avons créé des outils méthodologiques et des outils IT qui permettent aux entreprises d’introduire le référentiel TIPA dans leurs organisations. L’ensemble est commercialisé par une société néerlandaise, qui nous reverse des royalties, et a trouvé preneur aujourd’hui auprès de 170 consultants de par le monde pour aider leurs clients à améliorer leur qualité de services.

Vous évoquez plusieurs lignes de services. Quelles sont les autres ?

Une deuxième ligne de services a trait à la prise de décisions dans un monde complexe de données. Force est de constater que les sociétés ont une masse de données toujours plus importante à traiter, données qui sont en outre de plus en plus complexes et volatiles, ce qui rend la prise de décision plus difficile. Le LIST a décidé de prendre cette problématique à bras le corps afin de proposer des outils aux entreprises leur permettant de relever ce défi.

Dans le secteur de la construction, par exemple, nous avons développé des solutions numériques destinées à assurer un suivi électronique de chantier, qui s’avère plus pratique, plus fonctionnel que le suivi sur papier. Soixante chantiers au Luxembourg font d’ores et déjà appel à notre plateforme électronique collaborative dénommée CRTI-weB®.

Dans un tout autre registre, celui de l’évaluation des compétences, nous avons mis au point une plateforme générique d’évaluation des compétences, répondant au sigle «TAO» pour «Testing assisté par ordinateur», qui, entre autres, s’adapte à toutes les campagnes de type PISA (Programme for International Student Assessment) et PIAAC (Programme for the International Assessment of Adult Competencies). Nos résultats sont à la base de la création de la spin-off OAT localisée au Technoport.

Sophie Glibert

 

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