3 QUESTIONS À DAMIEN LENOBLE : «La pénurie des matériaux devrait durer encore quelques mois»

En amont du «Breakfast Talk – Pénurie des matériaux: quelles alternatives?» organisé le mardi 17 mai 2022 par le Paperjam + Delano Club, découvrez l’interview de Damien Lenoble, directeur du département Materials Research and Technology au List.

Source : paperjam.lu
Date de publication : 16/05/2022

 

Les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont créé des problèmes d’approvisionnement, comment voyez-vous l’évolution de cette pénurie des matériaux?

Damien Lenoble. – «La pandémie et la guerre en Ukraine démontrent surtout l’interdépendance de l’économie globalisée. Elles mettent en exergue les fragilités d’un système qui ne prend pas en compte les facteurs exogènes peu ou pas prévisibles. Une crise est aussi souvent une opportunité de repenser les systèmes pour les rendre plus robustes; mais il faut savoir aussi lui donner du sens et en accepter les possibles conséquences. Les leçons de ces crises frontales doivent surtout nous permettre d’accélérer les transitions nécessaires à l’évitement d’une crise climatique plus insidieuse, mais aux impacts bien plus majeurs. À court terme, la pénurie des matériaux devrait durer encore quelques mois, et à l’image de la crise des semi-conducteurs, une restabilisation des filières prendra au moins 12 mois, si la crise énergétique actuelle trouve une solution pérenne, notamment pour l’hiver 2022.

Quelles alternatives voyez-vous au remplacement du béton?

«Le List travaille sur des structures composites basées sur des matériaux polymères et hybrides (métal/polymère). Ils présentent des propriétés structurales de très grande performance et trouvent leur intérêt dans le remplacement des barres de renforcement en acier. Sont également développés par d’autres instituts des bétons renforcés avec des fibres carbone ou des fibres naturelles alors que l’utilisation de mousse isolante naturelle à changement de phase est en phase de validation expérimentale. Le Luxembourg détient un leadership mondial en matière de panneaux de structure en nid d’abeille pour l’aéronautique, une structure stable et légère particulièrement performante qui pourrait convenir pour les revêtements externes des bâtiments… autant de nouveaux matériaux permettant de contribuer à pallier la pénurie actuelle dans la construction tout en améliorant l’empreinte carbone de la filière dans son ensemble. Cela demande néanmoins du temps concernant leur qualification via les tests normatifs du secteur.

Quels matériaux pour réduire l’empreinte écologique de la construction, pour participer à l’économie circulaire?

«Certains matériaux existent déjà, comme le bois dont l’empreinte carbone en cycle fermé est quasi nulle (si les bois utilisés sont issus de filières de proximité), ou le verre qui a l’énorme avantage d’être recyclable quasi à l’infini, mais via un procédé énergivore. Il convient d’ailleurs de se poser la question de la cohérence de la stratégie industrielle en Europe. Je vois ici au Luxembourg ou dans la Belgique voisine, des usines de l’industrie du verre fermées. Il faut se poser les bonnes questions quand les professionnels du bâtiment pâtissent de délais de livraison typiquement d’un semestre. Il me paraît intéressant de réfléchir à des filières complètes et de proximité de matériaux à très fort potentiel de circularité… Quitte à payer un prix un peu plus élevé!»

paperjam.lu/article/a-court-terme-penurie-materiau

 

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