L'entreprise de Steinfort célèbre ses 50 ans. Ses applications trouvent des débouchés sur 25 millions de pneus. En F1 notamment.
Source : Le Jeudi
Date de publication : 28/01/2016
Cinquante ans. Et toute une histoire de pneus, de pneumatiques. Ceux qui chaussent les voitures haut de gamme, les motos de compétition, même, et sur un plan plus marginal, les avions.
Tout a commencé en 1965, lorsqu'est sortie de terre une usine belgo-américaine, du couple Englebert-Uniroyal appelée a créer, à Steinfort, des armatures applicables dans les pneus. A l'époque, lorsque... Jean Asselborn, avant qu'il ne se consacre à la politique, n'y soit salarié, la nouvelle entreprise occupait déjà une centaine de personnes. Continental, la société allemande établie à Hanovre, reprit les installations où travaillèrent jusqu'à 250 salariés, au milieu des années 1980.
Continental inondait une partie de l'Europe de ses gommes. Puis, voici près de vingt ans, la société Textilcord Steinfort investit les lieux. Textilcord, au même titre que les sites de production et de recherche en Italie et en République tchèque, appartient à une entreprise familiale, Glanzstoff Industries, du Dr Cornelius Grupp, un entrepreneur germano-autrichien, propriétaire aussi de la holding C.A.G. qui, elle, travaille, l'aluminium, le verre ou des tissus techniques.
Grupp, un sacré métier! Tout tient à un fil dans la fibre, aux divers composants. A Steinfort se créent les renforts textiles nécessaires à la fabrication de pneumatiques. Les processus trouvent leurs applications sur la plupart des grandes et petites marques. L'usine luxembourgeoise utilise par exemple pour matière première le fil viscose créé dans l'unité tchèque. Ici, cette viscose et des fils synthétiques achetés ailleurs se transforment en «tissu imprégné». « Ces fils sont ensuite transformés en renforts textiles au travers d'un processus décomposé en trois étapes majeures, le retordage, le tissage et l'imprégnation », explique le directeur de la maison, Arnaud Closson.
300 km/h
Les fabricants de pneus ne s'y trompent pas. Les produits luxembourgeois sont privilégiés par les constructeurs soucieux de créer des produits répondant à des indices de vitesse élevés (jusqu'à 300 km/h sans forcer), les pneus de roulage à plat, ceux qui équipent les voitures haut de gamme, qui inondent le marché allemand ou luxembourgeois.
A l'exigence de la performance, s'ajoutent la sécurité mais également la réduction de la consommation d'énergie. Soumise à une perpétuelle évolution, l'entreprise répond à la demande du client ou suggère ses propres innovations sorties de ses laboratoires de Recherche & Développement, sur chacun des trois sites. « Nous n'avons pas de produits standards. Nous nous adaptons à chaque client », précise Arnaud Closson.
Pour parvenir à ses fins, sur le plan technologique, l'entreprise recrute volontiers parmi les ingénieurs et techniciens sortis des dernières écoles textiles européennes, comme celle de Lille (F) ou de Gand (B).
« Notre corps de métier se compose d'ingénieurs textiles, de chimistes, pour ce qui touche à l'imprégnation, des ingénieurs en matériaux, pour la viscose et les polymères, de spécialistes en résistance de matériaux, qui étudient les pneus .»
En dehors des quelque 85% de vente en Europe, Textilcord vend sa haute technologie de renforcement du pneu en Chine, en Corée et en Amérique du Nord.
Et c'est en Amérique du Nord qu'elle s'approvisionne en pulpe de bois pour la confection de plaques de cellulose. Ce, en attendant que des sociétés européennes ne soient homologuées.
Dans son souci de diversification, Textilcord crée des tuyaux et réservoirs flexibles, utilisables aussi sur la voiture. Elle a pour partenaires de petites sociétés luxembourgeoises. « Mais ceci reste très marginal , insiste la direction. « Notre métier – notre ADN – reste le pneumatique .» En revanche, côté luxembourgeois toujours, elle a pour partenaire Goodyear. Ce qui n'est pas vraiment une surprise et ne manque pas d'intérêt puisque le constructeur de Colmar-Berg se place au troisième rang mondial. « Cette entreprise dispose d'un centre de recherche d'importance mondiale. De fait, il s'agit d'un beau partenaire pour la fabrication de pneus toujours meilleurs. Nous nous développons aussi avec le partenariat du centre de recherche public, le List. De même, nous participons au nouveau Centre de compétence des matériaux composites. Il peut être un complément de connaissances formidable.»
Uniforme
« Notre site, ajoute le directeur soucieux d'intensifier ces partenariats, réalise aujourd'hui près de 35% de son chiffre d'affaires, 55 millions d'euros cette année (sur un total de 160 millions), avec des produits développés ces trois dernières années.»
Quoi qu'il en soit, l'unité de Steinfort produit de l'ordre de 11.000 tonnes de «tissus».
De quoi équiper 25 millions de pneumatiques. Textilcord, avec la mise sur le marché de la «Rayon» (la viscose) entre dans la catégorie des leaders mondiaux qui ne rassemblent que quatre acteurs, l'un en Allemagne, les deux autres, concurrentiels, en Inde. Les nouvelles technologies ont érodé l'emploi, 140 salariés aujourd'hui. Mais la crise de 2009, ajoutée à la fermeture accidentelle (un incendie fatal) du site autrichien pourvoyeur aussi de matières premières, semble appartenir au passé.
Steinfort laisse à l'Italie la fabrication de fibres de très hautes protection et sécurité, un procédé apparemment unique et dévolu à l'équipement sportif et, bien plus encore, aux pompiers et aux armées. Sicrem, le site italien, imagine un important potentiel dans le monde arabe en général et le Maghreb en particulier.
Sur un ton plus soft, Sicrem est désormais en contact avec le milieu de la mode. Ce qui ne va pas de pair... avec l'armée.
Michel Petit