Additive manufacturing : une révolution industrielle en marche au Luxembourg

En se dotant de nouveaux outils pour imprimer de la matière, le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) développe des recherches autour de nouveaux matériaux, aux propriétés innovantes, ouvrant le champ à de nouvelles applications. D'autre part, des acteurs comme Saturne Technology font usage de l'impression 3D pour concevoir des pièces métalliques aujourd'hui utilisées dans l'industrie aéronautique.

Source : Echo des entreprises
Date de publication : 01/03/2015

 

« Nous connaissons une réelle révolution industrielle, commente Walter Grzymlas, PDG de Saturne Technology, acteur luxembourgeois spécialisé dans la confection de composants métalliques, utilisés dans l'industrie, et plus particulièrement dans l'aéronautique et le médical. Cela fait déjà deux ans et demi que nous réalisons des pièces à partir d'une technologie d'impression 3D métallique et céramique. Cette technologie a littéralement transformé notre métier et va révolutionner l'ensemble de la chaîne de valeur au cœur de l'industrie. »

Hier encore, pour concevoir une pièce de métal complexe, destinée par exemple à la fabrication d'un moteur d'avion, il fallait découper ou percer de la matière brute, à l'aide d'un laser notamment, avant d'en assembler les éléments un à un au moyen de la soudure. Aujourd'hui, grâce à une imprimante 3D, il est possible de confectionner la pièce finie en une seule étape, en assurant une qualité identique ou supérieure à celle d'une pièce assemblée. « Arriver à répondre aux exigences de nos clients ne s'est toutefois pas fait du jour au lendemain, précise Walter Grzymlas. Nous nous intéressons à la technologie 3D depuis longtemps. Avant de mettre effectivement des pièces en production, nous sommes passés par des étapes de R&D intenses, qui ont duré 6 ans, pour tester la technologie, les machines, la poudre que l'on transforme en matière. Satisfaire des clients comme Safran, General Electric ou Rolls Royce nous oblige à passer par des étapes particulièrement exigeantes de validation de la qualité des pièces, de la densité, du contrôle de la structure, de la porosité ou encore du design... Aujourd'hui, cela dit, l'additive manufacturing offre entière satisfaction en production, et suscite un vif intérêt dans le chef de nos clients. »

Gain de temps, gain d'argent

L'impression 3D métallique offre notamment un gain de temps dans le processus de production, et donc d'argent. En outre, on gagne en qualité, les pièces ne subissant plus de traitements thermiques violents indissociables des étapes de soudure. « Mais cette technologie offre d'autres avantages, poursuit le dirigeant. Par exemple, une pièce produite au moyen de l'impression 3D est plus légère. Sur un même élément de moteur d'avion, à qualité égale, nous sommes parvenus à gagner 900 grammes. Or, un kilogramme gagné sur un avion peut représenter une économie en carburant d'un million d'euros sur la durée de vie de l'appareil. On comprend aisément l'intérêt des clients. »

Si pour beaucoup l'impression 3D présente un intérêt évident dans les phases de prototypage, Saturne Technology démontre qu'il est aujourd'hui possible de dépasser ce stade. « Certes, peu de pièces fabriquées à partir d'imprimantes 3D volent actuellement dans le ciel. Les processus de validation des pièces prennent beaucoup de temps. Mais beaucoup d'éléments « additive» fabriqués par nos soins ont aujourd'hui été validés, sont entrés en production et intègrent progressivement les appareils. »

L'autre grand intérêt de l'impression 3D réside dans le fait que la technologie permet la réalisation de pièces qui, jusqu'alors, ne pouvaient tout simplement pas être conçues. « Cette technologie ouvre de nouvelles possibilités. A l'échelle industrielle, les ingénieurs peuvent imaginer de nouveaux dispositifs, irréalisables jusqu'alors, commente Walter Grzymlas. C'est aussi en cela que nous sommes à l'aube d'une révolution industrielle. » Dans l'industrie automobile ou aéronautique, cette avancée ouvre la voie à de nouveaux types de moteur ou de systèmes d'injection. Dans un tout autre registre, des bijoux en or ou argent, peuvent être directement imprimés, avec la possibilité de leur donner la forme que l'on souhaite, sans plus aucune contrainte.

Un réel atout pour l'avenir

Saturne Technology, portée par ces nouvelles opportunités, va déployer un programme d'investissement conséquent sur cinq ans, avec l'acquisition de nouvelles imprimantes 3D, le recrutement de personnel, le développement de nouvelles infrastructures. Pour Walter Grzymlas, il ne fait aucun doute qu'il faut aller de l'avant et que, pour donner un nouvel élan à l'industrie au Luxembourg, les autorités doivent accompagner le développement de cette technologie, la recherche comme les applications et déploiements industriels qui pourraient en découler. « Il existe au Grand-Duché une expertise qu'il faut soutenir, explique-t-il. Un centre de compétences en lien avec l'additive manufacturing pourrait constituer un réel atout pour l'industrie et les acteurs qui investissent sur ce créneau aujourd'hui. »

De la matière imprimée, de nouvelles propriétés et applications

Le domaine de la recherche s'intéresse déjà aux possibilités offertes par la technologie d'impression 3D. Si l'on considère, de plus, l'opportunité qu'elle offre de confectionner des éléments à partir de matériaux disposant de nouvelles propriétés, la révolution peut s'avérer être encore plus conséquente. Le LIST se penche actuellement sur les opportunités et nouvelles applications que pourrait apporter l'additive manufacturing pour l'industrie luxembourgeoise. « Nous devrions prochainement bénéficier de nouveaux outils, des imprimantes jet d'encre répondant à un cahier des charges précis, nous permettant d'évoluer et de monter en puissance, commente le Prof. Jens Kreisel, directeur du Département Materials Research and Technology (MRT) au sein du LIST et spécialiste des matériaux innovants. L'un des enjeux est d'évaluer où positionner le Luxembourg, sur quelles opportunités offertes par l'impression jet d'encre il faut concentrer nos efforts afin de profiter des nouvelles perspectives industrielles. »

Dans cette optique, le LIST entend s'appuyer sur ses forces et se concentre dans un premier temps notamment sur les matériaux fonctionnels, comme les oxydes fonctionnels. On parle par exemple de piézoélectriques pour les matériaux qui déclenchent une tension électrique quand ils subissent une certaine déformation. « Ce sont des éléments que l'on retrouve au niveau des airbags et qui sont à l'origine de leur déclenchement. On les retrouve aussi dans les systèmes de détection des personnes au sein de l'habitacle. En s'asseyant sur le siège, les personnes exercent une pression qui permet de déclencher un signal électrique », explique Jens Kreisel. On peut aussi citer les « piézoélectriques inversés », qui se déforment quand on leur applique un champ électrique, utiles par exemple pour le micro-positionnement d'objets ou des injecteurs de voiture. La température des « électro-caloriques », d'autre part, peut varier de 15 à 30 Co sous l'effet d'un champ électrique. Ils pourraient permettre le développement de nouveaux systèmes d'air conditionné ou de réfrigération.

Accompagner la technologie

« Aujourd'hui, nous cherchons à élaborer des solutions permettant d'imprimer des matériaux fonctionnels à propriétés originales, poursuit le chercheur. L'enjeu, pour nous, est de tester la faisabilité de projets autour de ces matières, de créer des dispositifs uniques et moins chers, et parfois individuels à la demande, précise Jens Kreisel. Mais nous sommes encore actuellement en phase d'exploration. L'impression 3D doit faciliter l'usage de ses matériaux céramiques ou polymères aux propriétés innovantes, permettre de les tester avant d'envisager leur mise en production à une échelle industrielle. »

Dans ce contexte, l'impression 3D est un moyen de développer des prototypes. « Nous travaillons avant tout sur les matériaux imprimés et leurs propriétés. Mais notre approche se veut à terme complète et nous entendons contribuer à l'amélioration des outils de production en collaboration avec les fabricants, précise Jens Kreisel. La technologie doit encore gagner en maturité. Elle est principalement utilisée aujourd'hui pour la fabrication de pièces à haute valeur ajoutée, mais pas encore dans l'industrie dans le processus de production de masse. Il nous appartient donc d'accompagner l'émergence de la technologie en collaboration avec les acteurs industriels, explorer de nouvelles pistes, tester de nouveaux matériaux, les évaluer, comme il faut évaluer les techniques d'impression. »

 

Partager cette page :