Analyser nos déjections pour suivre le Covid-​​19

Étudier les eaux usées pour suivre les virus, un procédé utilisé depuis 2005 mais qui a pris tout son sens avec le Covid. Le pays est même référent européen.

Source : lessentiel.lu
Date de publication : 09/02/2021

 

14 février 2020, jour de Saint-Valentin mais surtout date à laquelle, officiellement, le Covid-19 est apparu pour la première fois dans l’analyse des eaux usées au Luxembourg. Un détail qui n'en est pas un. Collecter des échantillons de déjections, provenant du réseau d’égouts ou du lessivage des surfaces, le pays le fait depuis 2005 pour suivre l’évolution des virus saisonniers, de la gastro-entérite, mais aussi du VIH et plus largement de la consommation de drogue. L’adapter à la nouvelle pandémie mondiale n’a donc été qu’une formalité ou presque.

Dès le 31 mars 2020, au début de la première vague, le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) avait déjà adapté son process pour appliquer en laboratoire la même technique PCR que les tests réalisés sur l'Homme. Depuis un an, l'analyse des eaux usées permet d'obtenir une photographie quasi permanente sur la circulation du coronavirus à travers le pays. «Grâce à l'échantillonnage dans les stations d'épuration, on couvre 75% de la population. L'eau usée ne ment pas, nous avons prouvé que c'était utile», assure Henry-Michel Cauchie, chef du projet Coronastep pour le LIST. Selon lui, les données des eaux usées couplées au testing à grande échelle et à la situation hospitalière ont permis d'impulser les prises de décisions du gouvernement depuis le début de la crise.

Nouvelle organisation face aux variants

La longueur d'avance prise par le Grand-Duché depuis 2005 intéresse d'autres pays qui n'en étaient pas là. Avec quelques-uns, le Luxembourg est devenu l'un des référents européens. L'OMS semblerait même vouloir que l'analyse des eaux usées se développe plus largement. Concrètement, deux fois par semaine des experts du LIST ou de l'Administration de la gestion de l'eau font le tour des stations d'épuration pour collecter un condensé d'un litre d'eaux usées, prélevées sur les dernières 24 heures. Le tout est ensuite analysé en laboratoire à Belvaux, où une petite dizaine de personnes est dédiée à la tâche. Les infos brutes remontent en direct aux autorités, une partie de l'eau est ensuite congelée pour d'autres analyses ultérieures.

Depuis février 2020, les révélations des eaux usées sur le Covid ont toujours suivi les courbes d'infections communiquées chaque jour, selon Henry-Michel Cauchy. Avec les pics et les phases de recul. À la station d'épuration de Schifflange, l'une des plus grandes du pays, les employés sont un maillon crucial dans la chaîne. Au contact avec les eaux usées, l'un d'eux rassure, d'ailleurs: «Nous n'avons eu aucun cas de Covid dans l'équipe!». «Le virus n'est plus infectieux dans les eaux usées, son enveloppe se détruit assez vite dans l'environnement», relève Henry-Michel Cauchie.

Avec le Covid, l'étude des autres virus a été mise entre parenthèses. Mais là aussi des échantillons sont congelés à Belvaux pour être au cœur d'autres analyses plus tard. «Depuis un an, c'est riche en enseignements!», lâche M. Cauchie, dont l'organisation commence aussi à être animée par l'apparition des différents variants. En réaction ces dernières semaines, avec le Laboratoire national de Santé, une nouvelle PCR a été développée et le Luxembourg est en mesure d'extraire le virus pour en faire un séquençage total. Un partenariat de financement de ces études des eaux usées, entre le LIST et le Fonds national de la recherche, court jusqu'en mars 2021 mais devrait trouver une suite. L'enjeu est grand sur plusieurs années à venir, dit-on au LIST.

Nicolas Chauty

www.lessentiel.lu/fr/luxembourg/story/analyser-nos-dejections-pour-suivre-le-covid-19-24745998

 

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