Innovation, financement et dilemme entrepreneurial

Avec une nouvelle loi encore plus favorable à l’innovation et à la recherche, le gouvernement espère encourager les entreprises à prendre davantage de risques pour développer des produits et services innovants. Les entrepreneurs adhèrent, même si les plus petits d’entre eux ont un peu de mal à s’y retrouver.

Source : paperjam.lu
Date de publication : 20/02/2018

Un peu plus de huit mois après son entrée en vigueur, la nouvelle loi d’aide à l’innovation se trouve encore dans sa phase de promotion, ou «early stage», s’il fallait utiliser un vocabulaire entrepreneurial. Une conférence organisée mardi à la Chambre de commerce avait donc pour but de la présenter plus en détail. Le ministère de l’Économie et Luxinnovation étaient largement représentés pour répondre aux questions des nombreux entrepreneurs présents.

«Avec cette réforme, nous avons ouvert au maximum le spectre des aides aux entreprises», a déclaré la secrétaire d’État à l’Économie, Francine Closener, dans son mot d’introduction. Et de préciser que celles-ci s’adressent désormais non seulement aux grosses entreprises, mais aussi aux PME, aux start-up et privilégient les partenariats avec les instituts de recherche.

Une affirmation appuyée par une présentation détaillée de la loi, durant laquelle il a été rappelé à maintes reprises que «toutes les entreprises» avaient droit à ces aides. Des aides qui vont de 25% à 80% du budget pour les projets ou programmes de recherche et développement, jusqu’à 100% pour les projets innovants menés par des PME et peuvent atteindre 1,2 million d’euros pour les jeunes entreprises innovantes.

«Peur de perdre trop de temps»

«Toutes aides accordées aux entreprises doivent toutefois avoir au préalable l’accord de la Commission européenne, ce qui ne nous laisse pas de grandes marges de manœuvre», a précisé Bob Feidt, du ministère de l’Économie. L’un des critères imposés par Bruxelles concerne le moment de dépôt du dossier d’aides, qui doit impérativement venir avant le début du projet.

Un aspect qui fait tiquer plus d’un entrepreneur. «Quand on se lance dans un projet innovant, la priorité est de trouver des clients, pas des financements», a expliqué à Paperjam Éric Baldisseri, le CTO d’ITCO, une entreprise créée il y a tout juste un an et qui développe des logiciels. «Pour ne pas nous faire piquer notre idée, nous avons voulu régler le plus rapidement possible le problème de la propriété intellectuelle. Et nous nous rendons compte aujourd’hui que nous aurions dû déposer un dossier avant cette démarche pour espérer toucher des aides.»

«Je pense que beaucoup d’entrepreneurs ont peur de perdre trop de temps dans ces démarches, alors qu’ils n’en ont pas forcément beaucoup», a indiqué pour sa part François Sprumont. Ce chercheur à l’Uni souhaite monter sa propre affaire dans la mobilité dès qu’il aura obtenu son doctorat, mais avoue ne pas s’y connaître en entrepreneuriat. «Il existe de nombreuses aides autant du côté du ministère que du Fonds national de la recherche (FNR), et on s’y perd un peu.»

Peut mieux faire? Pas sûr…

Le jeu en vaut toutefois largement la chandelle pour Maurice Léonard, le CEO et fondateur de la société de lunettes haut de gamme Gold&Wood. «C’est sûr que ça peut prendre un peu de temps, mais l’effort est vite rentabilisé», dit-il. «Nous avons de très bons liens avec le ministère, Luxinnovation ou encore le List (Luxembourg Institute of Science and Technology, ndlr).»

Aider les entrepreneurs à y voir plus clair et à monter leurs dossiers est d’ailleurs une des priorités pour Luxinnovation et «il n’y a pas de mauvais moment pour venir nous voir», a rappelé Pascal Fabing, head of national funding de l’agence de promotion de l’innovation. De plus, le gouvernement ne pourra guère faire mieux que ce qu’il propose aujourd’hui. «Nous avons des temps de traitement des dossiers parmi les plus rapides d’Europe», a-t-il ajouté.

Mais dans un contexte de concurrence accrue tel qu’on le connaît au Luxembourg, l’innovation est bien souvent synonyme de «survie» pour Carlo Thelen, le directeur de la Chambre de commerce. Dans son intervention, il a voulu envoyer un message clair aux autorités pour rappeler que si la nouvelle loi va dans le bon sens, elle doit s’inscrire dans «une persévérance des efforts de simplification administrative, de formation, de digitalisation ou encore de promotion du pays déjà entrepris par le gouvernement».

Jonas Mercier

 

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