La science au service de la vigne

La viticulture ne cesse d'évoluer pour mieux s'adapter aux défis d'aujourd'hui. Préservation de l'environnement, adaptation à la nouvelle donne climatique: l'Institut viti-vinicole, avec les centres de recherche, multiplie les essais pour mieux conseiller les vignerons.

Source : Le Quotidien
Date de publication : 03/02/2018

Chaque année, une dizaine de tests sont réalisés dans les 6,5 hectares de vignes de l'État dont a la charge l'Institut viti-vinicole (IVV), à Remich. « Les principaux concernent le traitement contre les ravageurs comme le mildiou et l'oïdium », explique Roby Mannes, du service viticulture de l'IVV. La finalité de ces essais sur le terrain est notamment de vérifier l'efficacité de produits nouvellement sur le marché, avec un intérêt prononcé pour le bio.

L'exemple le plus parlant est certainement celui du glyphosate, qui n'est plus utilisé depuis plus d'un an dans le vignoble de l'État. À la place, l'IVV utilise des produits issus de la nature, notamment à base d'acide pélargonique élaboré à partir du colza. « Nous sommes dans la voie d'une viticulture sans herbicide », affirme-t-il. Ces tests sont réalisés en collaboration avec le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Dans les faits, l'IVV met en pratique sur le terrain et les chercheurs du LIST analysent les résultats en laboratoire.

Un autre test novateur, réalisé cette fois avec le DLR de Rhénanie-Palatinat (Dienstleistungszentren Ländlicher Raum, l'équivalent de l'IVV de l'autre côté de la frontière), teste la pulvérisation de produits phytosanitaires pour lutter contre le peronospora (le mildiou) à l'aide de drones. « Les premiers vols ont eu lieu l'an dernier, mais comme l'année était très sèche, il n'y a pratiquement pas eu de pression de la maladie, explique Roby Mannes. Il faudra renouveler l'expérience les prochaines années pour avoir un retour plus parlant. »

Expliquer le goût du vin scientifiquement

Un autre grand projet mené en collaboration avec le LIST entame sa phase finale, le projet «Terroirs». L'idée de départ est simple : vérifier scientifiquement le rôle des sols dans le goût des vins. Géologiquement, la Moselle luxembourgeoise est grossièrement divisée en deux secteurs. Sa moitié nord est assise sur un substrat argilo-calcaire, tandis que dans sa moitié sud, le sol est limono-sableux. Il est d'ailleurs avéré que les vins de la région de Grevenmacher ou Wormeldange sont plus secs et minéraux que ceux de Schengen ou Remich.

« Il s'agit d'un projet de recherche sur cinq ans dont le but est de déterminer l'origine du goût », précise Roby Mannes. Le sol est pris en compte, mais pas seulement, il est également question des facteurs humains, climatiques, de l'orientation et de la pente des coteaux.

Une des gageures des travaux est de parvenir à déterminer de manière objective les goûts du vin. La dégustation du vin est un apprentissage et l'analyse sensorielle permet de mettre des mots précis sur les sensations gustatives et olfactives. Ce volet de la recherche est effectué à l'université de Hambourg par un groupe de dégustateurs spécialement formés pour déterminer avec le maximum d'acuité les propriétés organoleptiques des vins. « Les résultats de l'étude ont confirmé ce que nous savions, mais désormais, nous avons une base scientifique pour l'expliquer », souligne Roby Mannes.

Sans doute que la dernière phase des travaux, actuellement lancée, est la plus intéressante. Le défi est désormais de relier les caractéristiques des terroirs avec le réchauffement climatique, précisément avéré grâce aux données enregistrées depuis des décennies par l'IVV. La question est de savoir si les coteaux qui sont réputés comme étant les meilleurs (dans une pente orientée vers le sud, touchée par les rayons du soleil une large partie de la journée) sont toujours les mieux adaptés aux cépages traditionnels. Le réchauffement ne permettrait-il pas de rebattre les cartes?

Trop bien exposé pour le riesling?

« Ce volet de l'étude permettra peut-être de valoriser des coteaux jusque-là classés en second, car ils seront peut-être les meilleurs pour les cépages typiquement mosellans », expose-t-il. Aujourd'hui, les meilleurs emplacements sont souvent réservés pour le riesling, mais celui-ci devra-t-il migrer dans des secteurs moins exposés pour garder les propriétés qui font son succès? Cela n'a rien d'impossible, c'est même fort probable.

Mais alors, que planter à la place? Des cépages davantage typés Sud? Là encore, l'IVV a anticipé les choses puisqu'il fait pousser et vinifie du merlot depuis dix ans... et les résultats sont étonnants! Des plants de tempranillo (comme dans le Rioja), de syrah ou de grenache (comme à Châteauneuf-du-Pape) grandissent également du côté de Remich. « Nous n'en avons pas assez pour le transformer en vin, mais nous étudions les raisins.»

Et peut-être que dans quelques décennies on plantera le long de la Moselle les cépages que l'on trouve aujourd'hui sur les rives de la Gironde et du Rhône. « Pour nous, le changement climatique comporte des risques, avec notamment davantage de précipitations, mais il peut être aussi une chance, notamment pour le vin », soutient Roby Mannes. Au moins, au Grand-Duché, les vignerons ne seront pas pris au dépourvu.

ERWAN NONET

 

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