Le jumeau numérique: digitaliser pour mieux anticiper

Les avancées technologiques permettent actuellement de créer des jumeaux numériques, à différentes échelles, qui offrent la possibilité d’interagir avec des données numériques pour anticiper les conséquences dans le monde réel.

Source : PaperJam
Date de publication : 01/03/2021

 

À l’heure actuelle, la technologie permet de créer des systèmes complexes, renseignés par une grande quantité d’informations qui peuvent être délivrées, y compris en temps réel. Le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) travaille à la réalisation de jumeaux numériques au Luxembourg, qui recouvrent différentes échelles, celle d’un bâtiment, d’un quartier ou même du pays.

Un jumeau numérique, mais de quoi parle-t-on? Il s’agit d’une représentation virtuelle des systèmes (trafic, eau, air…) et biens (bâtiments, ressources…) qui permet de réaliser des simulations d’actions, de modifications, et d’en voir les impacts à différents niveaux. Cette simulation virtuelle permet d’obtenir les informations liées à une modification avant que celle-ci ne soit réalisée dans le monde réel. Cette recherche vise à améliorer la visibilité des processus et à soutenir la planification.

Les jumeaux numériques existent déjà dans d’autres domaines, comme dans l’industrie, où des systèmes de production sont éprouvés à l’occasion de la construction d’une nouvelle usine, par exemple. Le jumeau agit comme une réplique virtuelle de l’environnement physique. Pour cela, il collecte un grand nombre de données, utilise les algorithmes et l’intelligence artificielle pour modéliser un système qui peut être modifié.

À l’échelle du bâtiment

Le jumeau numérique peut être utilisé à l’échelle du bâtiment. Et cela commence dès la phase de conception, avec, par exemple, le permis de construire numérique ou le cadastre vertical digitalisé. Afin de récolter des données numériques à l’échelle du bâtiment, il est aussi possible de s’appuyer sur les acteurs qui produisent de l’information pour les bâti­ments, à savoir les architectes et les ingénieurs. «Aujourd’hui, les maquettes numériques réalisées en BIM ne sont pas encore destinées à être partagées pour créer un jumeau numérique, mais elles visent plutôt un usage à des fins architecturales et techniques, éventuellement de chantier, ou à l’usage du client, explique Sylvain Kubicki, chercheur au List. Mais il est aussi possible d’augmenter ce modèle numérique avec des données fournies en temps réel par des outils techniques, ou toute autre source de captation de données, et de les traiter avec des approches d’intelligence artificielle. Grâce à ce système, il est possible d’analyser et traiter des phénomènes de natures très diverses, comme l’amélioration de la gestion du chantier, la sécurité sur ce dernier, la planification, tout ce qui concerne le tracking du matériel…»

D’autres applications peuvent aussi être développées dans la phase de gestion du bâtiment, comme l’amélioration de l’empreinte environnementale de ce dernier à travers sa consommation énergétique. Dans ces smart buildings, une partie des informations du digital twin proviennent aussi des systèmes techniques installés dans le bâtiment. Mais encore faut-il que les équipements puissent échanger les informations entre eux pour être efficaces. C’est pour cela que le List est impliqué dans le projet «Smart Readiness Indicator for Buildings», une initiative européenne qui détermine le niveau de capacité du bâtiment à s’autogérer et à interagir avec ses occupants et la grille énergétique du quartier. «À terme, cet indicateur va faire partie du pack gouvernemental sur la directive énergétique des bâtiments, au même titre que l’Energiepass actuel», informe Sylvain Kubicki.

Des obstacles à surmonter

Toutefois, il existe encore des freins à lever, notamment sur la souveraineté et le partage des données. «Il faut encore définir quelles données peuvent être partagées, et avec qui. Par rapport aux sources, les modèles BIM constituent un point de départ, mais ils doivent être complétés par des données extérieures, comme celles issues de la gestion du bâtiment, ou les données qui concernent, par exemple, les produits mis en œuvre dans le cadre de la construction circulaire.»

À cela s’ajoute le frein de l’interopérabilité des différentes bases de données, qui ne sont pas encore compatibles entre elles. Une piste de réponse est en cours, avec l’élaboration de nouveaux standards. «Le List est impliqué dans le projet européen DigiPlace, qui s’intéresse à la standardisation des plateformes destinées à la conception-construction, avec des plateformes qui hébergent les informations sur les produits et des plateformes qui sont utilisées pour évaluer les impacts environnementaux ou énergétiques d’une construction. Ce projet vise à définir une architecture commune, une base de référence, pour que ces outils de développement s’appuient sur des principes communs.»

Aussi pour la planification urbaine

Le digital twin peut aussi être utilisé à l’échelle du quartier. Ce modèle numérique, avec sa capacité de simulation et d’optimisation, peut se révéler très utile dans le travail de planification urbaine. Le jumeau numérique peut être mis à profit, par exemple, dans le cadre d’une consultation citoyenne. «Grâce à ce ju­meau numérique, il est possible d’aller beaucoup plus loin avec les citoyens que la simple transmission d’informations ou la réception d’idées sur un formulaire, en travaillant avec ces derniers sur des modèles structurés, avec des outils qui permettent de s’exprimer et de mettre en œuvre virtuellement des propositions», explique Sylvain Kubicki.

Par ailleurs, les jumeaux numériques à l’échelle d’un quartier sont aussi intéressants pour la gestion énergétique. «Nous réalisons actuellement un jumeau numérique de Belval, car il s’agit d’un quartier relativement homogène, avec des bâtiments construits selon le même concept énergétique low tech. À partir de l’étude de la Maison de l’innovation, nous déployons un digital twin basé sur le BIM et agrémenté d’informations issues de capteurs. On ajoute à cela des analyses de cycles de vie, tant pour limiter les impacts environnementaux et énergétiques du bâtiment que pour limiter ceux sur la santé des occupants. Dans l’immédiat, cela permet d’optimiser la phase de monitoring et, à terme, de formuler des recommandations d’utilisation. Le projet a pour objectif d’extrapoler cette analyse à l’échelle du quartier, en y intégrant d’autres paramètres qui ne sont pas considérés à la simple échelle du bâtiment», conclut Sylvain Kubicki.

Céline Coubray

 

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