Les trajectoires d’innovation en matière de BIM aujourd’hui

Pourquoi le marché doit-il prendre en compte le BIM ? Réponse à travers un état des lieux des projets de recherche et d’innovation liés au BIM actuellement menés en Europe, et plus particulièrement par le LIST. Interview de Sylvain Kubicki, lead research and innovation associate au LIST.

Source : Neo Mag
Date de publication : 18/11/2022

 

Du point de vue d’un centre de recherche, quel est l’intérêt du BIM dans les phases de la vie d’un bâtiment ?

En phase de conception, il y a de plus en plus d’exigences de performances, donc d’expertises. On ne peut plus se passer d’une information complète - et ce très tôt dans le processus. Un modèle BIM permet de réaliser, par exemple, une analyse de cycle de vie ou des simulations énergétiques qui permettront de répondre à des obligations réglementaires de plus en plus exigeantes, comme le certificat de performance énergétique. Le BIM et des modèles de simulation doivent aussi permettre de réduire l’écart entre la performance du bâtiment tel que conçu et sa performance opérationnelle.

Lorsque le bâtiment est opérationnel, et si on parle en particulier de gestion de smart buildings, il y a une couche très technologique. Or, a-t-on besoin du BIM pour mettre en place des câbles et des systèmes techniques (HVAC) ? C’est discutable, même s’il y a de nombreux exemples de projets où l’on utilise des objets BIM pour le faire. Mais dans la gestion opérationnelle de ces smart buildings, et pour rendre toujours plus de services à leurs utilisateurs, ces systèmes utilisant désormais des techniques d’intelligence artificielle qui nécessitent des données massives, notamment issues ou reliées au BIM.

La rénovation est un sujet central au Luxembourg et en Europe. On sait qu’on doit l’accélérer, que les entreprises doivent être plus nombreuses à être formées, certifiées et que les outils numériques peuvent nous permettre d’aller plus vite. Plusieurs projets européens ont aidé à mettre au point les outils que nous connaissons, notamment des scans 3D qui permettent par exemple d’industrialiser la production d’éléments de façade standardisés, tout en ayant une connexion réelle avec le chantier et le bâtiment à rénover. Le fait d’avoir un modèle BIM, même simplifié, très tôt dans la démarche permet aussi de simuler l’investissement à différentes échelles, autant pour le résidentiel que pour des plus grands bâtiments. Ces indications concrètes données aux propriétaires ou à des investisseurs sont aussi traitées dans nos projets pour favoriser les démarches de rénovation, l’industrialiser et tester de nouveaux modèles économiques comme les contrats de garantie de performance énergétique. Si on envisage la déconstruction des bâtiments enfin, dans une optique d’économie circulaire, et avec le passeport des matériaux qui est très discuté actuellement au Luxembourg, nous avons aussi besoin de données numériques pour être efficaces. Là encore, le BIM existe et fournit une base à laquelle peuvent être ajoutées - ou liées - des propriétés.

Où en est-on en termes de recherche concernant le BIM ?

Un indicateur intéressant est que, dans plusieurs roadmaps de recherche européennes, qui sont rédigées via une collaboration des secteurs privé et public, le BIM n’est plus vraiment considéré comme une thématique de recherche scientifique mais comme une innovation « à court terme », c’est-à-dire à un horizon de 5 ou 10 ans. Les sujets de recherche et innovation sont orientés par exemple vers les impacts environnementaux, la qualité de l’air et le confort dans les bâtiments, ou la circularité pour économiser les ressources et ce sont des trajectoires à 10 ou 20 ans ! Cela renvoie à nouveau à cette idée que le BIM (ou disons « les outils et données numériques ») devient un prérequis à d’autres transformations essentielles à venir pour répondre aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux auxquels nous faisons face.

Et d’ailleurs, quand on parle d’adoption du BIM, il n’y a pas que le secteur privé qui doit être ciblé. Le secteur public doit l’être aussi. Il s’agit, par exemple, de modifier les procédures d’autorisation de bâtir avec le BIM. Cela permettrait des contrôles beaucoup plus rapides, plus approfondis, plus intelligents. Il y a des projets d’innovation, par exemple en Finlande, où l’on va déjà loin sur ces sujets.

Au LIST, sur quels types de projets impliquant le BIM travaillez-vous plus concrètement en ce moment ? 

Dans la R&D, tout est basé sur le BIM aujourd’hui ! La question est de savoir quel BIM, bien sûr. Nous travaillons, entre autres, sur l’établissement de CPE à partir de modèles BIM très light, provenant de relevés 3D avec la caméra d’une tablette et reconvertis automatiquement en maquette. Nous utilisons également les données du BIM pour calculer l’Indicateur de Potentiel d’Intelligence des bâtiments.

Le BIM nous sert aussi à évaluer les impacts d’un bâtiment lors de l’analyse de son cycle de vie, grâce aux données sur ses constituants et leurs quantités. Au-delà, nos questions de recherche mêlent au BIM des données dynamiques issues de capteurs, avec l’ambition d’optimiser le pilotage en temps réel d’un bâtiment en fonction de ses impacts sur l’environnement et sur ses utilisateurs.

Nous participons au projet « Petite maison ». L’idée est d’analyser comment déconstruire un bâtiment le plus proprement possible et en récupérant un maximum de matériaux pour favoriser la circularité. Pour cela, nous travaillons sur une plateforme digitale pour la déconstruction, où le processus démarre à partir d’un scan 3D et d’un BIM relativement simple, à nouveau, et orienté sur des propriétés concernant le potentiel de réutilisation de ses composants.

Enfin, l’efficacité énergétique et la réduction des impacts environnementaux des bâtiments ne doivent pas se faire au détriment des occupants. Avec le BIM, nous développons des systèmes qui permettent de faire un monitoring plus précis de la qualité de l’air intérieur et d’émettre des recommandations pour l’usage des bâtiments afin de maintenir la qualité de l’air sans impacter les consommations énergétiques.

Mélanie Trélat

 

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