«Nous aimerions avoir une EnergyVille au Luxembourg»

À l’instar de ce que Genk a fait de ses friches industrielles, le directeur du département Énergie du List, Lucien Hoffmann, appelle de ses vœux la création d’une EnergyVille au Luxembourg pour tester les technologies que ses chercheurs développent.

Source : paperjam.lu
Date de publication : 18/03/2022

 

Lucien Hoffmann, vous êtes à la tête d’un département du List qui compte 210 personnes, de 25 nationalités différentes. Est-ce que le fait que seuls moins de 5% de vos chercheurs soient luxembourgeois est un problème?

«Parfois oui! Notre mission est de travailler avec l’économie nationale. Dans certains secteurs, comme l’agriculture avec laquelle nous travaillons beaucoup, être luxembourgeois est important, pour bien comprendre les enjeux. Au minimum, nous essayons de trouver des chercheurs qui parlent bien allemand. Il y a 30 ans, pour la recherche, il n’y avait rien au Luxembourg, donc les gens comme moi étaient presque obligés d’aller ailleurs. Avec les centres de recherche et l’Université, des gens sont revenus, mais ça reste assez faible. Le secteur public est un compétiteur important puisque même si nous sommes un établissement public, nous ne sommes pas fonctionnaires. Même des gens qui ont un doctorat préfèrent parfois enseigner dans un lycée.

En ce moment, si le sujet de la préservation de l’environnement est dans beaucoup de discussions, on peut lire à peu près tout et son contraire. Pas évident de parler au commun des mortels, n’est-ce pas?

«Ce qui nous intéresse, nous, est de parler sur des bases scientifiques. C’est important aussi dans nos conversations avec les administrations et les ministères de s’appuyer sur la science et rien d’autre. La science, la science, la science. Avoir des données scientifiques.

Pour changer la vie des gens de quelle manière?

«Nous sommes des innovateurs. Nous voulons devenir de plus en plus des entrepreneurs pour amener nos technologies sur le marché. Nos technologies, nous évaluons aussi leur impact environnemental, pour ne pas causer davantage de problèmes.

De consommateur à «prosumer»

L’institution elle-même doit être exemplaire!

«Oui, nous évaluons tout, nous avons une approche d’écodesign dès le début. Nous allons adapter ces nouvelles technologies, qu’on amène sur le marché via des spin-off ou des collaborations avec d’autres entreprises. La technologie, ce n’est pas tout, il y a aussi le comportement humain. Vous pouvez avoir la meilleure technologie, mais si le comportement humain ne change pas, l’impact sera nul. Ce n’est pas notre job, nous n’avons de sociologue, mais cette question devient de plus en plus importante pour favoriser l’adoption de ces nouvelles technologies.

J’imagine, oui. Nous parlions de la possibilité, pour le consommateur lambda, de modifier son chauffage, par exemple, tous les quarts d’heure. Il faut bien pouvoir comprendre ces enjeux...

«Dans les nouveaux business models que nous développons ou aidons à développer, la notion de ‘prosumer’ devient centrale.

On a parfois un peu de mal à y aller, à se dire «Ok, je vais aller m’équiper en panneaux solaires». Qu’est-ce que vous diriez au consommateur moyen?

«Nous sommes déjà très loin [dans le développement de ces technologies, ndlr.]. Ça a fortement augmenté, en termes d’efficacité. Le problème qui vient maintenant est celui du recyclage. Ces panneaux ont une durée de vie limitée et ces aspects deviennent de plus en plus importants. Sur la mobilité, nous travaillons à des panneaux solaires sur le toit des bus pour les charger, par exemple, et en utilisant notre modélisation d’une ville ou d’un écosystème, de mesurer l’efficacité ou l’intérêt de favoriser de tels développements. Nous discutons par exemple avec Volvo pour ce genre de sujets. Il y en a beaucoup.

Vous parliez des panneaux solaires sur les façades. Quel est l’horizon de cette technologie?

«Il y a déjà un bâtiment au Luxembourg qui en est doté. La technologie est prête. Il existe des technologies similaires où ce sont les tuiles qui sont transformées directement en panneaux solaires.

Sur tous ces sujets, vos développements doivent alimenter la réflexion des politiques pour qu’ils mettent en place des mécanismes incitatifs…

«C’est déjà le cas aussi. Ces mécanismes ont eu des impacts importants. Au niveau de l’électricité, l’habitant deviendra lui-même un producteur. Il faut complètement repenser le business model où il n’est pas uniquement un consommateur qui s’appuie sur un fournisseur unique. On verra émerger des communautés, peut-être dans des quartiers, qui partagent différentes formes d’énergie, pour obtenir de la flexibilité. Il faut aussi repenser l’intégration dans le réseau global et la gestion. De nouveaux modèles doivent aussi être inventés. Et cela va bien plus loin que le seul Luxembourg. Quand vous voyez que 80% de l’électricité consommée au pays est importée…

Jusqu’à voir les idées luxembourgeoises peser sur le futur européen?

«Le Luxembourg est peut-être un petit pays, mais cela lui permet de tester de manière réaliste des choses qui pourraient ensuite être dupliquées ailleurs à plus grande échelle. C’est toute l’importance du digital twin. Nous pouvons être un test-bed. Dans le domaine énergétique, le Luxembourg a une carte à jouer. Cette année, nous devrions lancer un premier cas d’usage en fin d’année. Rien n’empêcherait que des gens qui construisent des batteries viennent les tester ici dans des conditions réelles.

Est-ce possible de s’affranchir des règles?

«Nous commençons les discussions. Nous avons visité récemment EnergyVille, près de Genk, sur le terrain des anciennes mines. Ce site est en dehors de la régulation. Ils peuvent tout tester avec des maisons, des entreprises, des petites zones industrielles. Nous aimerions avoir une EnergyVille au Luxembourg, sur des zones franches. C’est important pour tout ce que nous développons et qui n’est pas permis par le régulateur. Ça pourrait être un quartier.»

Thierry Labro

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