Plongée en eaux troubles pour repérer le virus

Depuis bientôt un an, les chercheurs du LIST traquent le covid dans les eaux usées des ménages du pays. De quoi repérer l'évolution de l'épidémie avant même que le dépistage ne signale une évolution.

Source : wort.lu
Date de publication : 09/02/2021

 

Les 68.000 habitants de Schifflange et environs ne s'en doutent pas, mais le LIST les observe. En tout cas, le Luxembourg Institute of Science and Technology s'intéresse à leurs rejets d'eau. C'est là que, depuis le printemps, ses scientifiques traquent la présence du covid-19. Ici comme dans 12 autres stations d'épuration du pays. L'opération Coronastep fait ainsi partie des indicateurs guidant la politique sanitaire du gouvernement depuis bientôt un an.

Car si c'est bien une infection respiratoire qui est redoutée par la transmission du virus, le SARS-CoV2 se diffuse dans tout l'organisme de ceux qu'il infecte. Jusqu'à se retrouver dans leurs excréments, et donc dans les eaux sales finissant en station d'épuration. En analysant chaque semaine des échantillons prélevés à l'entrée des bassins, les chercheurs peuvent donc détecter les tendances de l'infection à un stade bien plus précoce que les résultats du Large Scale Testing.

Pour Henry-Michel Cauchie, l'un des deux responsables de l'étude Coronastep du LIST,  il existe ainsi un lien entre la dynamique de la charge virale détectée au sortir des toilettes et le nombre de nouvelles infections constaté via le dépistage massif. «Les eaux usées ne mentent pas», souligne donc le scientifique. 

Grâce à l'analyse hebdomadaire sur 13 stations d'épuration, le LIST veille en fait sur l'état de santé de près de 445.300 habitants du Grand-Duché, soit plus de 70 % de la population. Sachant que l'afflux ou non de frontaliers dans le pays n'influe guère les résultats observés, ont pu repérer les laborantins au terme de longs mois de pratique et d'analyses. 

Rapportés au laboratoire du LIST à Belval, les échantillons suivent alors «des techniques de laboratoire éprouvées», comme l'explique la responsable du projet, Leslie Ogorzaly. L'eau prélevée est d'abord purifiée des résidus gênants en centrifugeuse, avant d'être filtrée, «ultrafiltrée même». Les chercheurs disposent ainsi d'un échantillon 'propre', ce qui facilite la détection des virus. La suite relève de la même technique que dans le cadre des prélèvements par écouvillons PCR. 

En fait, rappelle Henry-Michel Cauchie, «le Luxembourg joue un rôle pionnier dans l'évaluation de ses eaux usées». Maintenant avec ce programme immédiatement mis en place au début de l'épidémie, mais depuis de nombreuses années aussi. 

Car si aujourd'hui quelques Etats européens ont suivi le «modèle luxembourgeois» de traque du covid dans les eaux de stations d'épuration, c'est depuis 2005 que le LIST s'intéresse à ce milieu. Ce qui parvient des toilettes permettant de détecter les résidus de divers agents pathogènes, comme celui de la gastro-entérite.

Et déjà Henry-Michel Cauchie et son équipe de penser à de nouvelles expériences. Déjà en analysant d'anciens échantillons prélevés en début d'année (et conservés au LIST), les chercheurs avaient mis en lumière la présence du SARS-CoV2 dès le 25 février dans les eaux usées, alors que le premier cas n'allait être découvert que quelques jours plus tard. «Mais plus tard, en analysant les anciens prélèvements, nous pourrons aussi découvrir quelle a été l'influence de la pandémie sur la propagation d'autres maladies.» A l'image de cette grippe saisonnière, qui ne fait pas parler d'elle cet hiver.

Patrick JACQUEMOT

www.wort.lu/fr/luxembourg/plongee-en-eaux-troubles-pour-reperer-le-virus-60223ee5de135b9236c97f6e

 

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