Science et vin

Les chercheurs du List (Luxembourg Institute for Science and Technology) trouvent des moyens pour réduire l'utilisation des pesticides dans la viticulture.

Source : Le Jeudi
Date de publication : 21/01/2016

 

La Moselle bénéficie d'un microclimat rehaussant les températures de 1 à 2 °C en moyenne par rapport au reste du pays. Les Luxembourgeois l'apprennent à l'école. Pour la viticulture, cette particularité est à la fois une aubaine et un grand défi. Car à cette chaleur s'ajoute aussi beaucoup d'humidité. Les conditions sont donc idéales pour que des champignons s'épanouissent dans les vignes. Or, c'est ce que le vigneron veut à tout prix éviter. Le premier moyen pour lutter contre ces pathologies de la vigne est l'utilisation de fongicide. Normalement, les vignes ont droit à 7 à 10 séances de traitement par an. Ce n'est en revanche pas un scandale, car les produits utilisés répondent à des normes strictes et le traitement s'arrête un mois environ avant les vendanges, de manière à ce qu'il n'y ait pas de résidus dans le produit final. Seul hic, les pesticides sont chers et doivent être employés avec précision pour qu'il y ait un résultat.

Les docteurs Marco Beyer et Daniel Molitor du List gèrent le projet Provino dont le but est justement de réduire l'utilisation de pesticides. Avec le soutien financier de l'Institut viti-vinicole, les deux chercheurs et leur équipe ont obtenu des résultats très encourageants permettant de réduire la quantité de pesticides dans les vignes de la Moselle de 50%. Et la solution proposée est strictement manuelle. Si elle demande un effort supplémentaire de la part du vigneron, son coût est minimal: « Il s'agit simplement de couper certaines feuilles à proximité des grappes. De cette manière, le vent et le soleil pénètrent mieux la plante, ce qui en accélère le séchage et, par conséquent, évite le développement de champignons », explique Daniel Molitor. L'absence de grappes atteintes par une pathologie a d'ailleurs immédiatement des répercussions sur le goût du vin. Les moisissures donnent ce goût de « renfermé » que le viticulteur cherche à éviter à tout prix.

Alterner les fongicides

Mais le recours aux fongicides n'est que très difficilement évitable pour obtenir un produit de qualité. Il s'agit donc aussi de se servir de ces produits avec discernement. Ainsi, le portail agrimeteo.lu permet aux agriculteurs et aux viticulteurs de trouver les données météorologiques qui peuvent donner des indications sur la pertinence d'un traitement aux pesticides. « Mais rien ne remplace l'analyse sur le terrain. Toutes les parcelles sont différentes. L'une est plus exposée au soleil, l'autre est peut-être mieux traversée par le vent. C'est toujours au vigneron de voir si les indications s'appliquent à son cas », précise Marco Beyer.

S'y ajoute qu'il faut alterner entre les différentes sortes de fongicides qui existent. Les uns s'attaquent à la formation de la paroi cellulaire, les autres à la respiration des champignons: « Il est important de changer régulièrement d'agent actif puisque les pathologies s'habituent et deviennent résistantes », précise encore Beyer.

La susceptibilité des vignes dépend aussi de leur résistance propre. Celle-ci diminue avec l'âge de la variété. Ainsi, pinot gris et elbling sont des espèces très vieilles donc plus susceptibles. L'intégration de vignes plus neuves et résistantes serait aussi un moyen de lutter contre les différentes maladies, mais les viticulteurs ne connaissent pas forcément ces espèces peu communes le long de la Moselle. S'y ajoute un problème de marketing: le client luxembourgeois veut acheter son riesling et son pinot noir, par exemple, auxquels il attribue une idée d'authenticité et de goût spécifique.

Mais les champignons risquent de ne pas rester le seul problème du vigneron. D'autres maladies et parasites pourraient venir s'établir au Luxembourg. Les scientifiques estiment que ces migrations sont liées au changement climatique mais il n'y aucune preuve qui viendrait corroborer cette thèse pour l'instant.

Ainsi, en 2014, les vignes mosellanes ont subi des dégâts en raison de la présence du moucheron asiatique qui pond ses œufs dans les jeunes baies et engendre une pourriture alors que la grappe n'est pas encore venue à maturité. Les vignerons étaient sans défense contre cet envahisseur mais, depuis 2014, la drosophila suzukii (son nom scientifique) n'a plus été observée sur le territoire du Grand-Duché.

Insecticides


Le recours aux insecticides est d'ailleurs très dangereux pour toute la faune. Quelles sont les répercussions sur les petits rongeurs et les autres insectes? Des questions auxquelles les réponses sont rarement satisfaisantes. Le seul parasite animal au Luxembourg est le cochylis, une espèce de lépidoptère qui pond également ses œufs dans le raisin. Elle a été maîtrisée grâce à l'utilisation de phéromones qui font en sorte que mâles et femelles ne se trouvent pas et que, par conséquent, la reproduction devienne impossible.

Pour prévenir l'arrivée de nouveaux parasites, le List collabore avec un réseau d'universités des différentes régions viticoles du monde. Ainsi, les chercheurs peuvent échanger leur savoir sur telle ou telle maladie, ce qui permet de donner une réponse rapide lorsqu'un problème inconnu surgit. En revanche, les chercheurs ne donnent pas de conseils aux viticulteurs directement. Ils transmettent leur science à un institut étatique, en l'occurrence l'Institut viti-vinicole, qui assure le lien avec les acteurs sur le terrain. Reste à noter que les recherches faites sur les vignes sont actuellement étendues à l'agriculture en général.

Maurice Magar

 

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