Urbanisme durable: concilier visions et actions

Face à la crise immobilière et climatique, le LIST mise sur la régénération urbaine et la participation citoyenne pour transformer les quartiers existants en espaces durables, inclusifs et résilients.

Source : paperjam.lu
Date de publication : 22/05/2025

Penser autrement l’évolution des territoires

Le marché immobilier de la Grande Région est sous tension: hausse des prix, pénurie de logements, stagnation du foncier face à une population croissante. À cette crise structurelle s’ajoute l’urgence climatique, qui impose de repenser nos façons d’habiter, de vivre ensemble et d’aménager le territoire.

Complémentaire à la création de nouveaux quartiers empreints de plus de sobriété, la transformation de l’existant apparaît comme une piste concrète et nécessaire. Le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) développe avec ses partenaires des solutions pour des territoires plus durables, en plaçant la concertation citoyenne au cœur de ses démarches.

«L’objectif est d’imaginer ensemble des lieux de vie répondant aux aspirations des habitants et aux défis environnementaux. La participation devient un levier d’innovation urbaine», explique Sylvain Kubicki, chef du groupe Sustainable Urban & Built Environment au LIST.

Régénérer les quartiers avec et pour les citoyens

Réhabiliter, rénover, adapter, requalifier… autant d’approches au cœur de la régénération urbaine. L’objectif: repenser les quartiers existants pour en faire des lieux de vie plus sobres, résilients et connectés aux besoins des habitants.

Cela suppose une lecture fine du territoire, des indicateurs de durabilité et une implication active des citoyens. C’est le pari du projet européen REGEN, coordonné par le LIST, qui élabore un catalogue d’interventions de régénération urbaine et un cadre d’évaluation couvrant durabilité, économie et impacts sociaux. Alignées avec les politiques européennes, des actions en matière de rénovation énergétique et de circularité sont ainsi développées dans quatre villes européennes. La participation citoyenne est au cœur de la démarche, avec le support du LISER et de The Impact Lab.

Parmi les outils mobilisés: les jumeaux numériques, les méthodologies issues du BIM (Building Information Modeling) et BEM (Building Energy Modeling), qui permettent de visualiser et coconstruire des scénarios de transformation à différentes échelles. Dans une logique de frugalité technologique, le LIST s’appuie aussi sur des modèles simplifiés de bâtiments fondés sur des archétypes, codéveloppés avec le bureau Schroeder et Associés. Ces approches exploitent les capacités de traitement de données et l’intelligence artificielle pour simuler le comportement thermique des bâtiments et limiter les besoins en capteurs électroniques. A l’image de la conception low-tech, elles optimisent les ressources et accompagnent la transition énergétique.

À Beckerich, les habitants pourront tester l’outil MUST (Managing Urban Spaces Together) du LIST pour imaginer de futurs scénarios de rénovation énergétique et circulaire, couplés à de potentielles améliorations du réseau de chaleur local.

Un label luxembourgeois pour l’aménagement durable

Pour guider les choix de planification des acteurs publics et privés, il faut pouvoir évaluer objectivement les qualités d’un quartier durable et résilient. C’est le défi du projet de recherche appliqué SERENE, soutenu par le Fonds National de la Recherche, qui vise à développer un label national pour encadrer la conception ou transformation de quartiers en environnements résilients et inclusifs. Porté par un partenariat public-privé avec LSC360 et NeoBuild, il suit une approche de co-construction ouverte et partagée, s’appuyant sur la neutralité scientifique du LIST.

Six archétypes de quartiers – tels qu’un nouveau quartier en périphérie urbaine ou la régénération d’un cœur de village – ont ainsi été définis. Ils serviront de cas d’étude pour définir les indicateurs adaptés aux spécificités luxembourgeoises et issus de certifications existantes: performance énergétique, circularité, santé, mixité sociale, etc.  Le label permettra d’évaluer les projets d’aménagement et de les aligner aux objectifs de résilience du territoire.

Transition digitale, levier de transformation

La transition environnementale doit être combinée à la transition digitale. Le développement d’outils numériques et l’usage de la donnée facilitent la mesure des impacts, la comparaison de scénarios et une meilleure appropriation des enjeux par les parties prenantes. Ce changement suppose aussi une évolution des pratiques professionnelles et des compétences du secteur de la construction pour une meilleure circulation des données.

Le LIST conçoit, par exemple, des démonstrateurs basés sur des modèles BIM et des jumeaux numériques intégrant des données dynamiques. Il fournit des passeports de matériaux, des outils d’évaluation environnementale et des recommandations aux occupants, qui sont d’ores et déjà testés sur des maisons pilotes innovantes à Elmen et Betzdorf, en collaboration avec la SNHBM. Ces outils accompagnent aussi les évolutions réglementaires pour l’application des nouvelles directives européennes sur la performance énergétique, l’empreinte carbone ou la circularité.

Une vision partagée de l’urbanisme

Les travaux du LIST visent à proposer des outils d’aide à la décision fondés sur la donnée, la recherche et l’implication citoyenne. En croisant expertises scientifiques, ancrage local et dialogue avec les usagers, ces projets dessinent une nouvelle manière de penser la ville.

Face à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée du secteur et à la montée en technicité des bâtiments, le développement d’outils numériques intuitifs et robustes s’impose pour soutenir cette transition, tout en tenant compte des réalités économiques. «Le rôle d’un institut comme le LIST est d’anticiper les besoins, de prototyper, tester, démontrer – et prendre des risques! – pour in-fine guider le marché et contribuer aux mutations sociétales, technologiques et économiques», conclut Sylvain Kubicki.

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