Promesse d’une médecine plus rapide, plus personnalisée et accessible, la healthtech est porteuse d’espoirs. Derrière la télémédecine, l’intelligence artificielle ou les objets connectés, se cachent un défi de taille : la cybersécurité. Sans elle, l’innovation pourrait vite se transformer en menace pour les patients.
Consultations à distance, bases de données médicales massives, plateformes de suivi en temps réel… La santé numérique ne connaît plus de retour en arrière. Mais cette dépendance totale aux infrastructures digitales en fait aussi une cible privilégiée. Une attaque par ransomware ne se limite pas à voler des données : elle peut bloquer l’accès aux dossiers, retarder des traitements vitaux, voire immobiliser un hôpital entier. Dans un tel scénario, ce sont des vies qui se jouent.
Un constat s’impose : la cybersécurité n’est plus une option, c’est une condition de survie. Et l’enjeu n’est pas qu’informatique. Les règles européennes – du Règlement général sur la protection des données (RGPD) à l’espace européen des données de santé (EHDS) – imposent une traçabilité et une maîtrise totale des données. Sans conformité, pas de confiance. Et sans confiance, pas d’adoption. C'est pourquoi les systèmes informatiques des hôpitaux doivent être considérés comme des infrastructures critiques. Leur protection nécessite une approche systémique et basée sur les risques : surveillance continue de la sécurité, application stricte des politiques et capacité d'adaptation en temps réel. En tirant parti de l'IA pour détecter les menaces émergentes et mettre à jour les défenses de manière dynamique, les systèmes de santé peuvent garantir leur résilience et protéger à la fois les patients et les données.
Montres connectées, patchs intelligents, capteurs implantés… Ces dispositifs fascinent. Ils promettent de surveiller nos constantes en temps réel, d’alerter un médecin en cas d’anomalie et d’accompagner les malades chroniques au quotidien. Mais cette innovation interroge à plusieurs niveaux.
D’abord, où placer la frontière entre gadget de bien-être et dispositif médical ? Dès qu’un wearable promet de diagnostiquer ou surveiller une maladie, il tombe sous un cadre réglementaire strict, avec certifications et responsabilités lourdes en cas de dysfonctionnement. Ensuite, et surtout, se pose la question des données. Chaque wearable génère une avalanche d’informations sensibles, souvent stockées dans le cloud ou partagées avec des applications tierces. Un terrain de jeu rêvé pour les cybercriminels. Dès lors, l’ensemble des aspects de la cybersécurité doit être intégrée dès la conception.
Pour répondre à ce dilemme, le federated learning est une des solutions. Cette approche d’apprentissage automatique permet à l’intelligence artificielle de s’entraîner sur les données des patients sans jamais quitter l’hôpital ou l’appareil de l’utilisateur. Seuls les modèles sont partagés et mis à jour, tandis que les informations sensibles restent sur place. Résultat : un apprentissage efficace, collaboratif et sécurisé, qui protège la vie privée tout en améliorant les diagnostics et le suivi des maladies.
Cette méthode est particulièrement adaptée aux environnements médicaux où les données sont hétérogènes et sensibles. Elle permet de développer des modèles d’IA robustes sans compromettre la confidentialité des patients. De plus, elle offre une flexibilité accrue pour s’adapter aux spécificités locales des établissements de santé.
C’est précisément ce que démontre le projet R-MMS, développé par le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) avec la startup MyelinZ. Objectif : révolutionner le suivi de la sclérose en plaques grâce à l’intelligence artificielle et au monitoring à distance. Les patients peuvent réaliser des tests depuis chez eux, leurs données sont analysées en continu, et les médecins ajustent plus finement les traitements.
Mais la prouesse ne réside pas seulement dans l’IA. Elle est aussi dans le concept du security by design : chiffrement systématique, contrôle strict des accès, anonymisation des données… et, désormais, fédération des modèles grâce au federated learning. Chaque étape respecte les normes européennes les plus exigeantes. Ici, la sécurité n’est pas une contrainte, mais un pilier de crédibilité.
L’exemple de R-MMS illustre une conviction forte : il est possible d’innover sans sacrifier la sécurité et la conformité réglementaire. Mieux encore, en combinant recherche publique, agilité des start-ups et techniques avancées d'IA et de cryptographie, le Luxembourg met en place un cadre d'apprentissage fédéré dans le domaine de la santé qui est agile, sécurisé, respectueux de la vie privée, robuste et prêt pour l'avenir.