Le réchauffement climatique, l’assèchement des terres ou encore le drainage non durable des eaux souterraines sont des problématiques pour lesquelles la disponibilité des ressources en eau est une préoccupation majeure. Des impacts du stress hydrique sur nos écosystèmes à la rationalisation de l’utilisation, consommation et gestion de l’eau, de nombreux défis mondiaux se dressent.
Guidé par sa curiosité et passion pour l'impact, Kaniska Mallick, chercheur au sein du département ERIN du LIST, a développé un nouveau modèle de télédétection thermique de pointe qui permet de suivre avec une grande précision le phénomène d'évapotranspiration (ET) de l’eau via des données satellitaires. Reconnue à travers une série de publications internationales, cette contribution scientifique importante a ouvert la voie à un projet ambitieux et interdisciplinaire entre le LIST et l’Agence Européenne Spatiale (ESA), par l'intermédiaire d’un accord bilatéral avec la NASA.
Une question pourrait cependant se poser : pourquoi est-il si important de mesurer l'évapotranspiration ? Kaniska Mallick délivre son importance à travers ce projet unique avec l’ESA.
La surveillance de l'évapotranspiration et de la quantité d'eau disponible pour les plantes est essentielle dans les applications liées à l'eau et à la sécurité alimentaire. Les scientifiques doivent savoir comment l'eau circule entre la végétation et l'atmosphère, surveiller le fonctionnement des écosystèmes en cas de stress hydrique, et garantir des conditions idéales pour une productivité agricole durable.
L'évapotranspiration - qui se définit par le transit de l'eau de la surface vers l'atmosphère - comprend à la fois l'évaporation et la transpiration des plantes. Elle constitue une variable clef pour comprendre le fonctionnement éco-hydrologique des écosystèmes. Cependant, cartographier l’évapotranspiration à l'échelle régionale ou continentale entraîne de grandes incertitudes. Pour l’estimer, les modèles existants supposent en effet de nombreuses fonctions végétales empiriques, elles-mêmes basées sur plusieurs paramètres.
« Les plantes transfèrent l'eau par de petites ouvertures sur leurs feuilles appelées stomates. En fonction des événements climatiques, comme par exemple des sécheresses, les "résistances" imposées par les stomates varient considérablement. Il est donc très complexe de récupérer des informations sur ces résistances stomatales à une grande échelle spatiale via les modèles existants. », explique Kaniska.
Face à ce constat, Kaniska a développé un modèle de télédétection infrarouge thermique nommé STIC (de l’anglais : Surface Temperature Initiator Closure). Ce modèle permet de cartographier l'évapotranspiration – notamment grâce à une récupération non paramétrique des résistances critiques - tout en réduisant les incertitudes de l'estimation de l'évapotranspiration dans les régions où l'eau est rare, et ce, à différentes résolutions temporelles et spatiales.
En 2018, la NASA a débuté une expérience scientifique nommée ECOSTRESS (de l’anglais : ECOsystem Spaceborne Thermal Radiometer Experiment on Space Station) sur la Station Spatiale Internationale (ISS) pour une durée de 3 ans. Ce projet vise à mesurer la température de la Terre et à répondre aux grandes questions de recherche : « Quelles sont les réponses physiologiques à court et long terme de la végétation face à la disponibilité en eau du sol et à la sécheresse? Comment peut-on réduire la vulnérabilité de l'agriculture par une surveillance avancée du stress hydrique ? Et, comment répondre à ces questions grâce à de nouveaux modèles d'évapotranspiration de pointe ? », détaille Kaniska.
En premier lieu, la NASA se concentrait sur l'Amérique du Nord et du Sud. Un accord conjoint a été ensuite signé entre la NASA et l'ESA pour couvrir les continents européen et africain. En raison de leur expérience dans le développement et l'évaluation à l'échelle continentale de modèles d'évapotranspiration de nouvelle génération, Kaniska et ses collègues ont été sollicités par l'ESA pour diriger un projet du programme EOEP (Earth Observation Envelop Programme).
L'objectif : Développer un « European EcoStress Hub » (EEH) dans un environnement cloud donnant accès à une quantité sans précédent de données relatives à la température de la surface terrestre et à l'évapotranspiration au niveau de l'Europe et de l'Afrique.
Pour ce faire, l'équipe du LIST développera le EEH sur un système spécifique appelé « Data Information and Access System (DIAS) ». Ce dernier facilite l'intégration du modèle avec un grand volume de données, et assure l'accès à ces données et produits pour la communauté scientifique. De cette manière, les scientifiques pourront utiliser l'environnement cloud pour tester et affiner les algorithmes, ou par exemple pour créer des prototypes de produits sur mesure.
« C'est un immense défi car nous partons véritablement de zéro. Mais, il me semble que nous grandissons lorsque nous sommes mis au défi. Ce projet illustre parfaitement l'interdisciplinarité du LIST entre la science et la technologie. L'EEH réunit une équipe de chercheurs sous une même enseigne. Une part importante sera consacrée à l'architecture d'ingénierie pour construire le centre, et l'autre se concentrera sur le développement et la validation des algorithmes », conclut Kaniska.
Développement des algorithmes
Kaniska Mallick
Martin Schlerf
Tian Hu [Post-doctorant à partir de Septembre 2020]
Conception de systèmes, architecture d'ingénierie
Patrik Hitzelberger
Yoanne Didry
STIC est une marque déposée du LIST