La nature des méga-inondations est telle qu'il s'agit d'événements rares et catastrophiques, laissant aux scientifiques une connaissance limitée des facteurs de déclenchement et de la fréquence de ces phénomènes. Pour combler cette lacune, les chercheurs du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) s'emploient à collecter des données historiques en parcourant l'Europe à la recherche d'enregistrements de méga-inondations passées. Cette base de données enrichie améliore notre compréhension de ces événements naturels puissants, en fournissant des statistiques solides qui sont essentielles pour les prévisions futures dans ce domaine.
Au cours des 25 dernières années, le LIST a mis en place un réseau de monitoring comprenant des stations météorologiques et des sites de surveillance des cours d'eau. Le Luxembourg, malgré sa petite taille, joue un rôle central dans ce réseau. La géologie diversifiée du pays, l'utilisation variée des sols et l'homogénéité du climat créent un banc d'essai naturel pour étudier la manière dont les différents contextes physiographiques influencent les réponses hydrologiques. Cette combinaison unique de facteurs permet aux chercheurs de recueillir des données et des connaissances inestimables.
Pour prédire l'avenir, les chercheurs s'appuient sur des modèles mathématiques dans le but de prévoir les événements futurs. Ces modèles simplifient la réalité, en supposant souvent un monde stationnaire qui ne change pas. Cependant, cette hypothèse est erronée, surtout lorsque nous poussons les modèles au-delà de leurs limites de conception pour projeter des scénarios futurs. Avec seulement 100 à 150 ans d'observations météorologiques et hydrologiques, notre compréhension du comportement passé des rivières est limitée.
Pour y remédier, les scientifiques du LIST se tournent vers les archives naturelles telles que les cernes des arbres et les moules d'eau douce, qui enregistrent les conditions environnementales passées. En analysant ces archives naturelles, les chercheurs peuvent reconstituer des événements historiques et obtenir des informations précieuses sur le fonctionnement passé des rivières. Ces connaissances sont essentielles pour améliorer nos prévisions futures et nous aider à mieux comprendre l'impact des méga-inondations et à nous y préparer.
Une étude, publiée dans Nature Geoscience et dirigée par le LIST, a analysé les données historiques sur les inondations en Europe, révélant que les méga-crues n'ont pas changé de manière significative au fil du temps. En examinant plus de 8 000 stations de jaugeage sur deux siècles, la recherche propose une approche internationale pour prédire les inondations en catégorisant les rivières sur la base de caractéristiques communes. Cette méthode, qui utilise des données provenant de bassins similaires, pourrait permettre d'anticiper des catastrophes telles que l'inondation du bassin du Rhin en 2021.
Les chercheurs du LIST soulignent la nécessité d'une coopération transfrontalière pour améliorer la prévention des inondations et préconisent de passer d'une évaluation nationale des risques à une évaluation continentale. À l'avenir, ils prévoient d'utiliser les connaissances accumulées pour projeter les réactions des cours d'eau au changement climatique au Luxembourg et de fouiller dans les archives naturelles pour obtenir des informations sur des périodes millénaires. L'approche du LIST vise à prendre des décisions éclairées en matière de protection des infrastructures dans un contexte d'évolution des défis environnementaux.
Cet article fait partie de notre campagne d'été qui présente certaines histoires tirées du rapport annuel 2023 du LIST.