Une initiative du LIST menée par Tim Huber incite des lycéens à s'engager dans l'innovation circulaire.
Et si les lycéens pouvaient transformer les déchets en véritables idées d’entreprise ? C’est précisément l’ambition du projet GUIDANCE, une initiative de trois ans financée par le Fonds National de la Recherche (FNR) et portée par le Dr Tim Huber, Senior R&T Associate au sein de l’unité “Functional Polymers & Particulate Materials au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST).
Le projet invite des élèves de tout le pays à repenser les déchets comme une ressource et à explorer la science, la créativité et l’entrepreneuriat au service de la conception circulaire .
L’histoire de GUIDANCE commence à l’autre bout du monde. Alors qu’il enseignait les sciences des matériaux à l’Université de Canterbury, en Nouvelle-Zélande, Tim Huber s’est retrouvé face à un défi bien connu, celui de convaincre des étudiants en design plus intéressés par la créativité que par la chimie. Sa réponse a été de rendre le sujet personnel et pratique. « J’ai demandé à mes étudiants de concevoir un produit à partir d’un matériau de rebut », raconte Dr Huber. « Ils devaient étudier ses propriétés, proposer un produit innovant et le présenter dans une courte vidéo ».
L’idée a vite pris de l’ampleur. Ce qui n’était au départ qu’un exercice de classe s’est transformé en véritable concours, où les étudiants présentaient leurs projets façon Dragon’s Den devant un jury composé d’universitaires et d’experts du secteur. En quelques années, plusieurs initiatives se sont transformées en start-ups à part entière — l’une d’entre elles a même obtenu 3 millions NZD d’investissement.
Lorsqu’il a rejoint le LIST il y a trois ans et demi, Tim Huber a vu une belle occasion d’adapter ce concept au contexte éducatif luxembourgeois. C'est ainsi qu'est né GUIDANCE.
Officiellement lancé en septembre 2024 dans le cadre du programme PSP-Flagship du FNR — qui soutient les grandes actions de vulgarisation scientifique — le projet se déroule en trois grandes phases, une par an.
La première année (2024-25) a été consacrée à la sensibilisation et au recrutement des écoles souhaitant participer au concours Trashform, le cœur du projet. Durant cette phase, Tim Huber et son équipe ont visité plus d’une dizaine de lycées à travers le pays pour y animer des ateliers pilotes d’une demi-journée, afin de montrer concrètement le potentiel du concept. « L’objectif était de convaincre les écoles que ce projet pouvait être à la fois éducatif et ludique, » explique-t-il.
La deuxième année (2025-26) marque le passage à la pratique. Huit écoles rejoignent officiellement le programme et intègrent Trashform dans leurs activités — comme cours optionnel, projet extrascolaire ou module lié au design. Les élèves y travaillent en équipe et suivent les différentes étapes du projet de la recherche et l'expérimentation sur les matériaux à la conception du produit et au business plan.
La troisième et dernière année (2026-27) verra le concours prendre une ampleur internationale, avec une finale organisée au Luxembourg et la création de supports pédagogiques permettant aux écoles de poursuivre l’expérience de manière autonome.
Le défi Trashform commence par un simple tirage au sort où chaque équipe d’élèves se voit attribuer une catégorie de déchet — métaux (canettes, capsules de café), plastiques, déchets organiques (marc de café, pelures de fruits) ou encore des matières plus complexes comme les couches, les mégots ou les boîtes à pizza.
Une fois leur matériau désigné, les élèves en étudient les propriétés et expérimentent par de petits tests maison pour évaluer sa résistance, sa flexibilité ou sa texture. Ils passent ensuite à la phase d’idéation, créent des planches d’inspiration (« moodboards »), analysent des produits existants fabriqués à partir de matériaux similaires et identifient des pistes d’amélioration.
Vient alors le moment de prototyper leur propre concept — parfois en carton, en argile ou via l’impression 3D — avant de recueillir des retours d’utilisateurs et d’ajuster leur idée. Enfin, ils conçoivent une campagne de communication pour promouvoir leur création.
À l’issue du processus, l’équipe de Tim Huber, en collaboration avec les enseignants, sélectionnera un ou plusieurs finalistes qui participeront à la finale nationale organisée au LIST, évaluée par un jury issu du monde de l’industrie, du design et de l’entrepreneuriat.
Les lauréats recevront une récompense financière, mais selon le Dr Huber, « la vraie victoire, c’est de voir les élèves réaliser qu’ils peuvent façonner l’avenir des matériaux durables grâce à leurs propres idées et à leurs mains. »
Au-delà de la sensibilisation au développement durable, le projet veut montrer que la science, la créativité et le business sont étroitement liés. « Les élèves apprennent non seulement à connaître les matériaux » souligne le Dr Huber, « mais aussi à résoudre des problèmes, à travailler en équipe et à communiquer ».
Le projet dépasse également les frontières. Un collaborateur de la City University of Applied Sciences de Brême, en Allemagne, a lancé une version locale du concours avec des écoles allemandes, et prévoit de participer à la finale internationale au Luxembourg au cours de la troisième année du projet.