E171 : un poison de moins dans nos assiettes

Publié le 10/02/2022

A l’origine de l’interdiction de l'additif alimentaire E171, une étude de l’INRA en collaboration avec le LIST

Le dioxyde de titane, ou E171, est utilisé pour donner une couleur blanche à de nombreux aliments, qu'il s'agisse de bonbons, de produits de boulangerie, de pâtes à tartiner pour sandwichs, de soupes, de sauces, de vinaigrettes ou de compléments alimentaires. Le 14 janvier dernier, la Commission européenne a adopté une interdiction de l'utilisation du dioxyde de titane comme additif alimentaire. 

D’un impact local à un impact européen

Cette décision de la Commission européenne est basée sur des preuves scientifiques solides : elle est fondée sur un avis scientifique de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui fait suite aux résultats d’un projet de recherche mené par l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE, ex INRA), en collaboration avec le LIST.

En 2017, des chercheurs de l’INRAE et leurs partenaires, dont le LIST, ont en effet publié les résultats de leur recherche sur les effets d’une exposition orale au dioxyde de titane. Ils ont montré pour la première fois que l’exposition chronique à l’E171 provoque, chez le rat, des lésions précancéreuses dans le côlon. Les nanoparticules de cet additif sont aussi capables de traverser la paroi intestinale et d’emprunter la circulation sanguine, et donc d’impacter le foie.

Suite à cette étude, la France a pris la décision en 2019 d’écarter de nos assiettes cet additif ayant un potentiel risque cancérigène. La Commission européenne vient de lui emboîter le pas avec une décision qui s'appliquera après une période transitoire de six mois. Cela signifie qu'à partir de cet été, cet additif ne pourra plus être ajouté aux produits alimentaires, et ce dans l’ensemble de l’Union européenne.

Pour mener à bien cette étude, l’INRAE a notamment fait appel aux compétences pointues du LIST en matière de microanalyse en toxicologie. L’étude en toxicologie couplée à la technologie de microscopie ionique, un système d’imagerie à très haute résolution, réalisée au LIST est non seulement unique au Luxembourg mais également très peu développée dans le monde.

Des nanoparticules décelées grâce à l’expertise du LIST

Les nanoparticules se sont imposées dans notre quotidien, dans la pharmacie, l’agroalimentaire, le bâtiment ou le textile, et soulèvent de nombreuses questions. Les spécialistes s’accordent sur un point : avec les nanomatériaux, il est impossible de faire des généralités. Les risques pour la santé diffèrent en fonction de la nature chimique des nanoparticules, de leur taille ou encore de leur forme. Il faut donc les examiner au cas par cas avant d’affirmer qu’une nanoparticule est toxique.

Le LIST dispose de l’expertise et des outils pour relever ce défi puisqu’il a notamment créé, dans le cadre du projet npSCOPE, un nouvel instrument intégré et optimisé pour fournir une caractérisation physico-chimique complète des nanoparticules tant dans leur forme primitive qu’incorporées dans des matrices complexes tels que les tissus biologiques.

Ainsi, le LIST étudie actuellement les effets des perfluorés, ou PFAS, ces polluants « éternels » et omniprésents : bien qu’interdites, ces substances se retrouvent dans de nombreux produits de consommation courante et restent très longtemps dans l’environnement et dans nos corps. Chez l'être humain, la consommation d'aliments est la principale source d'exposition aux PFAS. Le système digestif est ainsi la première barrière physique et biologique contre ces nouveaux polluants environnementaux, et en même temps leur première cible. Étonnamment, leurs effets sur la paroi intestinale restent à ce jour largement méconnus. Leur étude fait actuellement l’objet du projet FLUO-GUT, piloté au LIST par le chercheur Jean-Nicolas Audinot : « Ces projets, qu’il s’agisse de l’analyse de l’additif E171, du montage de l’instrument npSCOPE ou encore de l’analyse des PFAS, nous ont permis de mettre en place des modèles, que l’on peut adapter à d’autres types d’études liées aux risques sanitaires. Notre futur challenge c’est d’étudier les microplastiques, qui polluent les océans et qui viennent perturber l’ensemble de la chaîne alimentaire, jusqu’à finir dans notre assiette ».

L’enjeu est de taille, et le LIST entend bien relever ce défi, qui conforte sa mission sociétale de développement de technologies à fort impact permettant d’améliorer la qualité de vie et de bâtir une économie plus durable.

Crédit photo: Heather Ford

Partager cette page :

Contact

Dr Jean-Nicolas AUDINOT
Dr Jean-Nicolas AUDINOT
Envoyer un e-mail